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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/775

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noire. Les steppes arables en Europe même ne seront pas encore toutes en culture régulière à la fin du XIXe siècle ; elles ne seront pas toutes arrivées à une population normale avant le milieu du XXe, et jusque-là elles seront pour l’agriculture de l’Occident tour à tour une précieuse réserve et une redoutable concurrence.

Sur la frontière occidentale viennent les dernières contrées qui promettent une augmentation notable. Ce sont des pays d’acquisition plus ou moins récente pour la Russie, les plus européens par l’histoire et l’éducation comme par la position, la Pologne, la Lithuanie, et deux des provinces baltiques, la Livonie et la Courlande. Sans égaler le tchernoziom, le sol de ces provinces est d’une fertilité suffisante, et le voisinage de l’Europe et de la mer, le climat, le degré d’humidité et l’abondance de l’irrigation naturelle, une heureuse proportion des bois, des champs et des prairies, leur donnent de grands avantages sur tout le reste de l’empire ; leur civilisation, plus ancienne, plus occidentale, leur en donne un autre. Les procédés de culture y sont plus avancés, et le sol, à fertilité égale, y rend plus. Naturellement c’est dans le royaume de Pologne que toutes ces causes favorables agissent le plus ; aussi, en dépit de la situation politique et des maux des diverses insurrections, en dépit de l’émigration ou de la déportation, en dépit des droits mal réglés des propriétaires et des paysans, est-ce la partie la plus peuplée de tout l’empire et une des plus prospères. Avec une surface d’environ 120,000 kilomètres carrés, le royaume de Pologne touche à une population de 6 millions d’habitans. Il a une moyenne de près de 50 âmes par kilomètre, ce qui est presque autant que l’Autriche, plus que le Portugal et le Danemark, beaucoup plus que l’Espagne. Malgré ce chiffre élevé, un pays ainsi éprouvé ne peut avoir atteint l’extrême limite de sa population, d’autant plus qu’au secours de son agriculture vient l’industrie, à laquelle l’union de la Pologne avec la Russie ouvre de larges débouchés. Plus grand et plus rapide est cependant le développement à espérer de la Lituanie et des provinces baltiques, au moins des deux méridionales, la Courlande et la Livonie. Dans ces pays également privilégiés pour la position géographique, si ce n’est autant pour le sol et le climat, la densité de la population est presque de moitié inférieure à celle des gouvernement de la Vistule, comme les organes officiels appellent aujourd’hui le royaume de Pologne. Tout en étant en progrès sensible, notablement au-dessus de 1 pour 100 par an, il leur faudra bien du temps, s’ils y parviennent jamais, pour atteindre au chiffre actuel de la Pologne. Ce serait alors un maximum de 5 à 6 millions d’habitans que l’empire pourrait recueillir de ce côté.

Dans toute la vaste région du nord, l’industrie seule peut