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accroître la population avec la richesse de l’empire. Or la Russie n’est pas moins bien douée sous ce rapport que sous celui du sol agricole. La nature lui a donné les deux grands instrumens de travail, le fer et le charbon. On ne sait pas bien encore quelles richesses de charbon recèlent les plaines russes ; on en découvre de tous côtés et de toute sorte, au centre, autour de Moscou, au sud dans le bassin du Donets, dans les gouvernemens de Kief et de Kherson, sur les deux versans du Caucase et jusqu’en Asie, dans les steppes des Khirgizes et dans les monts Ourals et les monts Altaï. Longtemps entravé dans le nord par le manque de débouchés, dans le sud par le manque de combustible, le développement industriel sera bientôt accéléré par l’achèvement des chemins de fer et l’exploitation des mines de charbon. Pour la population, ce sera d’abord surtout d’une manière indirecte qu’il servira à la grossir, en lui ouvrant des régions désertes et en l’attirant sur ses pas jusqu’aux extrémités de l’empire. L’agriculture s’avancera sur la route frayée par l’industrie. Ainsi les mines de l’Oural conduiront aux fertiles plaines de la Sibérie occidentale, celles des monts Altaï et des montagnes du fleuve Amour entraîneront jusqu’au cœur de l’Asie, comme en Californie et en Australie la population est venue sur les pas des chercheurs d’or.


V

Quel est en somme l’accroissement de population que les conditions physiques et économiques des diverses régions de l’empire permettent à la Russie ? La terre noire peut fournir un contingent de 8 à 10 millions d’âmes, les steppes de 20 à 25 millions, les provinces des frontières occidentales de 5 à 6. À ces chiffres doit s’ajouter l’apport de quelques régions moins vastes, dont l’augmentation est encore notable. C’est l’Oural avec ses mines, auxquelles les chemins de fer de Sibérie vont bientôt ouvrir des débouchés ; c’est la Crimée et le Caucase septentrional, où les immigrans comblent les vides laissés par l’émigration des indigènes mahométans. Au sud-ouest, ce sont les marais de Pinsk, où l’homme se met à occuper tout ce que ne lui disputent point les eaux ; au nord-est, sur les bords de la (Kama, de l’Oufa et de la Viatka, c’est une contrée boisée, dont les forêts par exception recouvrent un sol fertile assez analogue à la terre noire. En doublant le nombre actuel des habitans de ces quatre régions encore parmi les moins peuplées de l’empire, on obtiendrait 7 ou 8 millions d’âmes.

Pour toutes les possessions russes en Europe, nous aurions ainsi