Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/843

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

embusqués derrière les haies, les accueillirent par une vive fusillade ; ils reculèrent d’abord, mais, en voyant le petit nombre d’hommes qu’ils avaient devant eux, ils revinrent à la charge et lancèrent quelques obus sur le village. Les francs-tireurs se jetèrent dans un bois voisin, et Foucaucourt fut mis à feu et à sang. Les soldats du 70e prussien, du 4e polonais et du 8e d’artillerie du Rhin, qui se signalèrent par leurs cruautés pendant toute la campagne, avaient été chargés de l’exécution ; ils s’en acquittèrent à la satisfaction de leurs chefs. Après avoir fouillé les maisons, où ils ne trouvèrent ni armes ni munitions, ils forcèrent les femmes à leur donner des allumettes pour y mettre le feu, quoiqu’ils eussent avec eux tout l’attirail des incendiaires, et, quand les flammes commencèrent à s’élever, ils défendirent sous peine de mort de les éteindre. Tandis que les uns éventraient les bestiaux qui s’échappaient des étables, les autres clouaient sur son fauteuil à coups de baïonnette M. Basset, depuis longtemps malade ; ils assassinaient un vieillard infirme et tuaient ou blessaient tous ceux qui leur tombaient sous la main. Un jeune homme de dix-sept ans, Charles Pottier, qui malgré l’incendie travaillait dans un moulin, est saisi par eux : ils le frappent de deux coups de baïonnette, le fusillent ensuite dans sa cour et pénètrent en hurlant dans sa maison. Là ils se saisissent de Mme Pottier et de sa fille et s’efforcent de les entraîner pour les fusiller à leur tour. Les deux femmes opposent à leurs bourreaux une résistance désespérée, lorsque tout à coup un appel de trompette se fait entendre ; les Allemands se rassemblent en toute hâte et abandonnent au pas de course le village, qui n’était plus qu’un immense brasier. Les vedettes avaient vu briller de loin les fusils de quelques francs-tireurs qui rampaient derrière des silos de betteraves, ils les avaient pris pour une avant-garde française, et le signal de la retraite avait été donné tout aussitôt. C’est à cette circonstance que Foucaucourt a dû de n’être pas réduit en cendres jusqu’à la dernière maison. Quelques jours après, le lieutenant Grosskopf, du 70e, se vantait dans un village voisin d’avoir donné le signal du massacre[1].

A peu de temps de là le village de Cléry fut le théâtre d’autres atrocités. Deux officiers du 7e uhlans, dont un capitaine, le docteur de ce régiment et un chef du service télégraphique entrèrent chez M. Legrand, riche fermier de cette localité. Ils commandèrent un dîner que l’on se hâta de leur servir, et qu’ils arrosèrent de copieuses libations. La nuit venue, les Allemands,

  1. Voyez l’Invasion en Picardie, récits et document concernant les communes de l’arrondissement de Péronne, par M. Gustave Ramon, 2 vol. in-8o ; Péronne 1873.