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doucement. ― Demain, lui dit-il, tu es invitée chez le seigneur de Zavale pour la chasse à courre. Tu veux que je t’accompagne ?

Olga le regarda interdite. ― Ce n’est pas cela, dit-elle.

― C’est bien cela, répliqua Mihaël, qui sourit. Rentrons, il commence à fraîchir. - Ils revinrent ensemble au salon. Il la fit asseoir sur ses genoux, et l’embrassa comme autrefois ; elle était ravie, la joie l’étouffait. Tout à coup il lui dit d’allumer la lampe, il allait lire son journal. Sa femme serra son petit poing ; elle pleura toute la nuit jusqu’au matin.

Ses yeux n’étaient pas secs quand le lendemain il la mit en selle. Elle le regarda d’un air singulier, fouetta son cheval, et disparut sans l’attendre.

Le temps fut beau toute la journée. La chasse se répandit joyeuse par les champs. Les tireurs étaient distribués dans la forêt, Mihaël avait sa place assignée dans un épais taillis. La belle Olga conduisait la chasse, dévorant ses larmes. Ce fut elle qui découvrit le premier lièvre qui cherchait à sortir du fourré ; elle le désigna de sa petite main tremblante, les lévriers furent découplés, les cors retentirent, la cavalcade s’élança avec des cris sauvages. Se riant du danger, elle sauta les fossés et les haies, un plaisir féroce faisait tressaillir tous ses nerfs. Comme elle vit les chiens soulever en l’air la misérable bête, qui pleurait de frayeur, elle éclata de rire comme un enfant qui voit tourbillonner une balle. Tous les regards se concentrèrent avec admiration sur l’intrépide écuyère ; les cavaliers vinrent baiser le bout de ses gants trempés de sueur en agitant leurs casquettes. Olga, les joues en feu, les yeux brillants, promenait ses regards sur le cercle de ses fidèles. Tout à coup elle aperçut à l’écart, sur la lisière du bois, un jeune homme qui la considérait en silence d’un air singulièrement sévère. ― Eh bien ! monsieur, lui cria-t-elle d’un ton provocant, on ne me rend pas hommage ?

― Pas moi, répondit-il sèchement.

Olga fit caracoler son cheval de manière à se rapprocher de son interlocuteur. ― Et pourquoi pas, sans indiscrétion ? demanda-t-elle avec plus de curiosité que de colère.

― Une femme que réjouit le supplice d’une bête, répondit-il, n’a pas de cœur, ou bien son esprit est absent.

Olga regarda l’audacieux. Celui-là n’était pas un homme nul ; il pouvait lui servir à tourmenter Mihaël. C’était tout ce qu’elle avait besoin de savoir. Et il osait la traiter avec indifférence ! C’était la première fois qu’un homme lui parlait sur ce ton hautain. Sans ajouter un mot, elle tourna bride.

Une rage sourde la dévorait pendant qu’à table et le soir au bal elle le voyait causer avec animation, tandis qu’elle existait à peine