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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/982

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Ce n’est là au surplus qu’un détail dans une session dont le caractère évident est une stérilité singulière, stérilité qui est elle-même le résultat d’une désorganisation croissante de la majorité, d’un affaiblissement du ministère. Le fait est que depuis la crise qui a éclaté au printemps à l’occasion du bill sur l’université d’Irlande et qui a failli emporter le cabinet, la situation est restée incertaine et laborieuse pour tout le monde. M. Disraeli ne s’est pas senti alors assez fort pour prendre le pouvoir. M. Gladstone, après avoir donné un instant sa démission, a repris la direction du gouvernement ; mais il s’est maintenu à la condition de ne rien faire, en se sentant menacé et paralysé. Le parti libéral ne s’est pas relevé de cet échec, il a glissé dans toutes les divisions, dans toutes les incohérences. La discorde est entrée dans le gouvernement lui-même. Des froissemens, des antipathies ont éclaté entre les membres du cabinet. La conséquence ne s’est pas fait attendre, elle se manifeste aujourd’hui par cette sorte de crise qu’aucun vote parlementaire n’a provoquée, qui n’est peut-être que l’indice d’un malaise intime et profond, un commencement de décomposition. Le secrétaire-général de la trésorerie, M. Baxter, a donné le signal de la débâcle en se retirant pour cause d’incompatibilité avec le chancelier de l’échiquier, M. Lowe, dont il trouvait les procédés blessans. Ce n’était là en réalité que le prélude de tout un remaniement. Le marquis de Ripon s’est retiré de la présidence du conseil privé et il est remplacé par le ministre de l’intérieur, M. Bruce, qu’on élève à la pairie. M. Childers de son côté renonce à la chancellerie du duché de Lancastre. M. Ayrton quitte les travaux publics. M. Lowe, dont la position semble devenue difficile, passe au ministère de l’intérieur, où ses manières un peu cassantes n’auront peut-être pas plus de succès, et il est remplacé comme chancelier de l’échiquier par M. Gladstone lui-même, qui garde toujours, bien entendu, le poste de premier lord de la trésorerie.

Est-ce de la part de M. Gladstone un moyen de donner à son cabinet plus d’homogénéité et une vie nouvelle ? Tous ces remaniemens laborieux ne seront-ils pas au contraire un acheminement vers la crise définitive ? M. Gladstone semblait se douter de sa fin prochaine et peut-être même la préparer lorsqu’il disait récemment dans une réunion que son ministère « avait dépassé la limite moyenne assignée à l’existence des cabinets, » lorsqu’il ajoutait : « Il est des personnes dans l’opinion desquelles nous donnons des signes d’épuisement. » Assurément tout est changé depuis l’époque où ce cabinet arrivait il y a cinq ans au pouvoir avec une majorité libérale compacte et résolue ; le ministère n’a plus peut-être le souffle favorable pour lui, et le signe le plus clair, le plus caractéristique de ce changement, c’est le progrès sensible du parti conservateur dans les élections partielles qui se sont succédé récemment. Il y a cinq ans, M. Gladstone était élu presque triomphalement à Greenwich, dont il est un des représentans aux communes. Ces jours derniers, une