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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 106.djvu/989

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ESSAIS ET NOTICES.


Palmetto leaves, par Mme H. Beecher Stowe ; Boston 1873.


On peut se demander pourquoi Mme Beecher Stowe n’a pas simplement intitulé la Floride ses Palmetto Leaves, qui, grâce aux réclames des magazines et des journaux, avaient d’avance séduit le public, a la façon d’un recueil de poésies ou de nouvelles. Ce livre, annoncé bruyamment depuis plusieurs mois, gâté par de puériles vignettes, alourdi par une carte du fleuve Saint-John, désappointa d’abord ceux qui attendaient une de ces études puissantes du cœur humain où excelle Mme Stowe. Elle a beau nous conduire dans un pays paré du plus poétique prestige, défendu par les récifs de ses côtes, par l’immensité de ses marais contre la curiosité des voyageurs, et où la nature magnifiquement fertile, mais jalouse, dérobe ses trésors sur une grande étendue aux mains, aux regards même de l’homme, nous n’en donnerions pas moins toutes ces descriptions pour la vivante peinture d’un épisode dramatique ou d’un caractère original, d’autant que Mme Stowe, comme la plupart de ses compatriotes, n’entend rien au paysage. Elle entasse couleur sur couleur pour ne produire que des effets confus ou papillotans, et la forme épistolaire qu’elle prête à certaines parties de son journal ne fait que mieux ressortir cette maladresse de pinceau en rappelant nos inimitables Lettres d’un voyageur.

Mme Stowe a du moins le mérite de la sincérité ; dès les premières pages, elle combat les illusions que l’on est trop disposé à nourrir en Europe et même dans les États-Unis du nord sur cette terre promise, connue surtout par de chimériques récits ; elle explique que la Floride, de même qu’une tapisserie, présente deux faces, l’une terne, irrégulière et rugueuse, l’autre fraîche et resplendissante de fleurs et d’arabesques. Les touristes, à leur arrivée, cherchent partout les palmiers ondoyans, les bosquets d’orangers, les pommes d’or des Hespérides mûrissantes en toute saison ; ils ne découvrent que des sables plats, derrière lesquels s’étendent des prairies à l’herbe rude, des plus dont les sommets sont si élevés qu’ils semblent ne pas devoir donner d’ombre ; au-dessous quelques broussailles, puis, bordant le chemin de fer, les plus misérables cabanes, et, autour, de maigres bestiaux qui ont l’air de mourir de faim. L’aspect sera triste surtout en hiver : cette saison, dans les contrées semi-tropicales, offre l’image d’un lamentable désordre. La gelée ne fait pas comme ailleurs justice des feuilles flétries qui doivent attendre que les bourgeons de l’année suivante viennent les chasser. On se demande en décembre : — Est-ce l’hiver, est-ce l’été ? — car la