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craignait aussi des méprises, des confusions, qui malgré tout arrivaient d’une autre manière. La division Berthaut restait donc comme force de soutien et de démonstration à l’est du Bourget, tandis qu’une brigade de mobiles de la Seine et de mobilisés de Saint-Denis devait faire une pointe à l’ouest sur Stains et Pierrefitte.

Un peu avant huit heures du matin, la colonne Lamothe-Tenet se met en mouvement, les fusiliers-marins en tête. Elle se précipite sur le cimetière, dont elle reste maîtresse, puis elle aborde résolument les rues barricadées, les maisons avoisinant l’église. Le capitaine Lamothe-Tenet, enlevant énergiquement ses soldats sous une violente fusillade, surmonte tout, prend position dans la partie ouest qu’il a mission d’occuper, et il réussit même un instant à couper par le nord les communications des forces prussiennes, qui se défendent toujours dans Le Bourget. Il a déjà fait une centaine de prisonniers. Au sud, la brigade Lavoignet a rencontré la plus énergique résistance en abordant le village. Elle s’empare des premières maisons, elle ne peut plus avancer. On essaie de tourner les positions, on ne réussit pas. Cette lutte se prolonge pendant deux heures, assez longtemps pour que de ses postes les plus voisins l’ennemi s’aperçoive du péril et envoie du secours. Dès lors les renforts prussiens arrivent, soutenus par un feu violent dirigé de Dugny, de Pont-Iblon, de Garges, sur la partie du Bourget que nous occupons. Le capitaine Lamothe-Tenet se maintient toujours intrépidement avec les marins et avec un bataillon du 138e de ligne. Le lieutenant de vaisseau Peltereau, cherchant à secourir la brigade Lavoignet, disparaît avec toute sa compagnie dans un combat obscur et héroïque. Par une fatalité de plus, tout ce qu’on faisait de notre côté pour aider ces vaillantes troupes tournait contre elles. Le général Trochu, qui était à peu de distance sur la route de Lille, faisait avancer des batteries d’artillerie. L’amiral de La Roncière lançait la brigade Hanrion pour soutenir ou pour dégager Lamothe-Tenet; mais notre feu, tombant sur Le Bourget, faisait autant de mal à nos soldats qu’aux Prussiens. Bientôt, aux approches de midi, le capitaine Lamothe-Tenet, se voyant décimé par notre canon, menacé par les masses allemandes, se repliait sans désordre à l’abri d’un pli de terrain vers La Courneuve. La brigade Lavoignet, sans avancer, mais aussi sans reculer, tenait jusqu’à deux heures de l’après-midi.

Un peu plus loin, sur ce vaste champ de bataille, le général Ducrot avait dès le matin ses troupes massées entre Drancy et Bondy. Il n’avait aucune peine à distinguer la vivacité du combat dans Le Bourget, il était fort impatient; seulement il avait l’ordre de n’entrer en action que lorsque Le Bourget serait enlevé,