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matin, au milieu d’un ouragan de neige, sur toutes les défenses de l’est, sur Nogent, Rosny, Noisy, et particulièrement sur Avron. Le bombardement se dessinait d’abord à l’est pour se transporter bientôt au nord, où il atteignait Saint-Denis sans le dépasser, et au sud, où il allait atteindre Paris lui-même, le Paris de la rive gauche jusqu’à la Seine.

L’attaque était maintenant engagée; elle s’ouvrait par le feu de soixante-seize pièces de gros calibre subitement démasquées en face et autour de nous, à Gagny, au Raincy et à Noisy-le-Grand. Au premier instant, les forts ne souffraient pas trop; c’est Avron surtout qui avait à supporter le poids de ce formidable assaut, auquel l’artillerie du colonel Stoffel répondait de son mieux. Après un moment de surprise et de panique, nos jeunes troupes chargées de la garde du plateau ne tardaient pas à se remettre, soutenues par un vieux et vaillant soldat, le général d’Hugues, qui se rendait sur le terrain, donnant partout l’exemple de la fermeté sous les obus. Assurément ces troupes ne manquaient ni de bonne volonté ni de courage, et si l’infanterie prussienne s’était présentée pour essayer d’enlever le plateau, elle aurait été chaudement reçue. La position cependant ne laissait pas de devenir critique. C’était une lutte ingrate et pénible pour ces jeunes conscrits, pour ces mobiles de la Seine, qui le premier jour perdaient une centaine des leurs sans se battre. Les abris étaient fort incomplets, ils n’avaient pu être achevés par ce temps de gelée; la terre durcie résistait à la pioche. Les travaux de nos batteries étaient eux-mêmes insuffisans. En quelques heures, notre artillerie avait essuyé des pertes sérieuses, elle avait eu des pièces mises hors de combat, elle se trouvait engagée dans un duel inégal dont le colonel Stoffel, le général d’Hugues, le général Vinoy, se hâtaient de signaler le danger. Dès le second jour, le mal était assez sérieux pour que le gouverneur tînt à se rendre lui-même sur le plateau. Il parcourait les tranchées avec la plus calme intrépidité, sans hâter le pas, sous la pluie d’obus qui redoublait, encourageant tout le monde d’une cordiale parole. Le général Trochu ne pouvait se méprendre sur le péril, il sentait la nécessité de se dérober à une lutte meurtrière, sans issue et sans profit, sur une position aussi avancée, de toutes parts enveloppée de feux. C’était là toutefois une difficulté des plus graves. Il n’y avait pas moyen de se retirer en plein jour sous les yeux de l’ennemi. On ne pouvait enlever le matériel que la nuit, au milieu de l’obscurité, par des pentes couvertes de verglas. Aussitôt on avait recours aux hommes des rudes besognes, aux marins du vice-amiral Saisset. Ces braves gens, avec les artilleurs du colonel Stoffel, réussissaient à ramener dans la nuit du 28 au 29 toute l’artillerie