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tous il faut même se hâter de dissiper des incertitudes qui ne profitent à rien ni à personne. La question, à nos yeux, reste aussi simple que possible, La monarchie constitutionnelle est une combinaison où la France peut espérer trouver de sérieux avantages. Si ce n’est pas là ce qu’on lui offre, ce n’est pas la peine de se jeter une fois de plus dans l’inconnu, il faut en prendre son parti. Un député intelligent, M. Germain, a dit récemment le mot en ouvrant le conseil-général du département de l’Ain : si le pays avait à se prononcer entre le drapeau blanc et le drapeau de Magenta, son choix serait bientôt fait.

Qu’on ne s’y trompe pas d’ailleurs, la question tranchée au fond par le sentiment public se pose exactement dans les mêmes termes pour l’assemblée, où il ne se trouverait pas sûrement une majorité pour sanctionner une abdication de la France, et pour le gouvernement, qui ne peut être disposé en aucune façon à favoriser des aventures. Sans doute la situation du gouvernement ne laisse pas d’être assez délicate au milieu de tout ce mouvement, qui l’a peut-être un peu surpris lui-même, qu’il ne peut ignorer et auquel il ne peut se mêler. Ce qu’il a de mieux à faire est de ne rien engager, de se tenir dans cette réserve politique dont le dernier discours de M. le duc de Broglie au conseil-général de l’Eure est l’expression étudiée, nuancée et savante. Que dit après tout ce discours ? Une majorité, formée d’élémens divers, s’est constituée pour assurer la prééminence des principes conservateurs. Le gouvernement, tel qu’il existe depuis le 24 mai, est le représentant de cette alliance ; c’est son devoir de rester fidèle jusqu’au bout à la politique conservatrice dont il est le mandataire et l’exécuteur. Plus tard, quand l’assemblée à sa rentrée se trouvera en présence des problèmes constitutionnels qu’on ne peut plus écarter, c’est à elle de les « résoudre dans un sentiment de concorde, en faisant taire les prétentions et les prédilections personnelles pour ne tenir compte que des périls et ne songer qu’au salut de la société… » On pourra lire ce qu’on voudra dans ces paroles, en définitive rien n’est compromis, et l’essentiel est en effet que la situation demeure intacte, qu’elle ne soit point altérée ou dénaturée par des imprudences ou de fausses démarches, de telle façon en un mot qu’on n’ait point risqué d’avance la sécurité qu’on possède pour des combinaisons qui s’évanouiraient au dernier moment. Quel que soit le résultat, que cette crise intime se dénoue par le rétablissement d’une monarchie constitutionnelle ou par l’organisation de la république avec les lois présentées par M. Thiers, rappelées récemment encore par M. le duc de Broglie, il y aura toujours un intérêt national de premier ordre à sauvegarder dans tout ce qu’on fera, un intérêt dont on doit se préoccuper sans cesse. Cet intérêt, c’est celui de notre politique extérieure, de notre situation parmi les peuples. Qu’on ne l’oublie pas, il faut à tout prix qu’il y ait dans nos institutions une force restant la garantie d’une certaine suite dans la direction de notre poli-