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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/399

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vaise, elle a plongé profondément chez nous ses racines; il faut donc commencer par l’accepter lorsqu’on traite de l’éducation. La conséquence de l’institution, c’est qu’il existe et doit exister un type uniforme d’enseignement public et national; toute dispute sur l’éducation aboutit en somme à chercher quel sera ce type et à le fixer.

Nous ne prétendons pas qu’une éducation uniforme, donnée au nom de l’état par une congrégation unique, ne risque pas d’engendrer de graves querelles dans la république, de susciter au magistrat et au souverain des difficultés incessantes avec les familles, et de créer à la longue des périls sérieux pour le tempérament national. Une expérience, vieille maintenant de soixante années, démontre que l’institution universitaire, qui a rendu à la société française d’éclatans services, porte en elle-même, si l’on n’y prend garde, des causes de corruption rapide, et que les inconvéniens qui en naissent sont de tous les jours.

La centralisation de l’enseignement public entre les mains d’un corps unique revêtu d’une part d’autorité officielle peut produire au bout de quelque temps la stagnation des doctrines et des méthodes; elle frappera par conséquent de stérilité l’intelligence nationale, si à côté de l’enseignement public il n’existe pas un enseignement libre, et si le corps universitaire ne se trouve placé constamment sous l’aiguillon de la concurrence. La centralisation de l’enseignement public produira au contraire une pernicieuse mobilité des doctrines et des méthodes, surtout dans un pays agité d’autant de révolutions que le nôtre, si le corps universitaire, tout en étant fortement rattaché à l’état, n’a point une existence indépendante de lui, et si, au lieu de rester maître de sa discipline et de ses programmes, il est régi comme toute autre hiérarchie, — la diplomatie, l’administration, l’enregistrement, les tabacs,— par un ministre directeur absolu, sous sa responsabilité devant le souverain et devant les chambres, des hommes et des choses. Le premier de ces périls a été écarté par la loi de 1850, qui a heureusement brisé le monopole universitaire. L’observateur équitable des faits est tenu d’ajouter que ce monopole, s’il a souvent entravé le bien, n’a pas eu le temps de produire un mal appréciable. Grâce aux hommes éminens qui, de 1808 à 1850, ont conduit l’Université et l’ont animée de leur génie, l’Université n’a point cessé un instant de tenir ses regards ouverts sur toutes les directions de l’esprit humain ; grâce à la liberté de mouvement qu’elle laissait à ses maîtres, après les avoir éprouvés et choisis, elle a pu maintenir des traditions sans se figer dans aucune routine. Le second péril a éclaté avec le décret du 9 mars 1852. Ce funeste décret a opéré une transformation radicale dans l’organisme universitaire ; en créant la toute-puissance