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LES
PARTIS SOCIALISTES
EN ALLEMAGNE

Le parti socialiste allemand dispose de puissans moyens de propagande : il a seize journaux qui comptent plus de 30,000 abonnés, et ce chiffre représente une grande quantité de lecteurs, car un seul exemplaire suffit ordinairement à tout un atelier. Ses orateurs se font entendre dans des réunions publiques fréquentes et très suivies. Ainsi, grâce à la liberté de la presse et au droit de réunion dont l’usage est moins limité qu’on ne croit par les procès et par la police, le socialisme parle haut en Allemagne, et, comme il y est l’objet de vives inquiétudes, on écoute et l’on commente son langage. M. le professeur Held, un des plus sages parmi ces socialistes de la chaire, dont M. Louis Reybaud a fait connaître ici même et critiqué le programme, s’est donné la peine d’étudier, un trimestre durant, les feuilles socialistes, de les analyser et d’en reproduire les parties les plus caractéristiques. Ce travail n’est point fait pour expliquer les illusions de l’école à laquelle il appartient, car l’auteur a beau distinguer deux sortes de journaux socialistes, les uns qui sont des organes d’associations ouvrières et s’occupent avant tout de défendre les intérêts du travailleur de telle ou telle industrie, les autres qui s’adressent à tous les prolétaires et prêchent la guerre sans merci contre les institutions de l’état moderne : il faut être aveuglé par l’optimisme pour croire que les seconds sont seuls révolutionnaires, tandis que les premiers se contenteraient d’une réforme pacifique. En réalité, l’Allemagne n’a point ce privilège, que les tentatives de conciliation faites en ce moment par la partie la plus éclairée de sa bourgeoisie soient accueillies, même avec un semblant de reconnaissance, par les ouvriers : à de rares