Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/487

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ESPAGNE POLITIQUE

DEUXIÈME PARTIE

LE ROI AMÉDÉE ET LA MONARCHIE DÉMOCRATIQUE.[1]


I

La révolution de 1868, comme presque toutes les révolutions espagnoles, a été l’œuvre d’une insurrection militaire ; l’habile ourdisseur de cette trame fut le général Prim, exilé depuis plus de deux ans. Il eut pour complices et pour alliés les généraux mêmes qui avaient défendu la dynastie contre lui et que venait de frapper à leur tour un arrêt de proscription. Unis désormais par une commune disgrâce, par de communs ressentimens, vainqueurs et vaincus de la veille organisèrent un vaste pronunciamiento dont le signal fut donné par l’amiral Topete et la flotte, qui jusqu’alors étaient demeurés à l’écart de tous les complots. Ainsi tout manquait à la fois à la reine Isabelle ; vivement attaquée par des ennemis résolus à jouer le tout pour le tout, mollement défendue par des amis peu sûrs, qui d’avance désespéraient de la partie, le combat d’Alcolea décida de son soit. Quelques jours après, elle passait la frontière et se voyait condamnée à protester de Pau contre sa déchéance.

Si l’armée est en Espagne l’outil universel de la politique, les généraux n’y font pas de la politique de soldats. Ils sont des hommes de leur siècle et de leur pays ; ils ont la plupart le cœur assez libéral, l’esprit assez souple pour se sentir aussi à l’aise dans les mêlées, oratoires d’une chambre que dans la fumée d’un champ de bataille ;

  1. Voyez la Revue du 1er septembre.