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réservent leurs soumissions pour la monarchie légitime quand elle ne s’est pas rendue impossible, ou pour ces parvenus qui sont nés au bruit de la foudre, péniblement enfantés par une révolution en délire dont ils apprivoisent les fureurs ; elle a tremblé devant eux, elle avait reconnu son maître.

Ces orateurs remarquaient encore que la moins viable des royautés est celle qui naît du hasard d’un scrutin parlementaire. « Une monarchie créée par le vote d’une assemblée, disait le 6 juin 1870 M. Canovas del Castillo, est la plus faible, la moins propre à s’enraciner, la plus éphémère, la plus caduque de toutes. » Et pour réfuter l’objection qu’on tirait de l’exemple de la Belgique, il alléguait que le roi Léopold avait été nommé du moins par 152 voix sur 200, qu’en 1830 le roi Louis-Philippe en avait obtenu 219 sur 252. « Cependant, continuait-il, ne savez-vous pas combien de fois on a reproché à cet intelligent, habile et libéral monarque de juillet qu’il avait dû le trône à 219 voix sans plus ? Ne savez-vous pas que quelques-uns de ses plus chauds partisans se sont repentis jusqu’à leur dernière heure de n’avoir pas demandé au pays la confirmation de leur œuvre, et que ceux qui vivent encore recourent à de pénibles explications pour se faire absoudre de cet oubli ? » S’il est certain qu’un roi élu à quelques voix de majorité est la victime prédestinée des révolutions, cela est surtout vrai quand l’assemblée qui le porta au pouvoir a une autorité ou une provenance discutable, et il n’y a jamais dans la Péninsule de majorités dont les origines ne fournissent matière à quelque contestation. Elles ont presque toutes une barre suspecte à leur écusson.

Une royauté contestée et contestable ne saurait vivre longtemps sans avoir de rudes combats à soutenir ; il faut au moins que la loi lui fournisse les moyens de se défendre. On est tenté de croire que le duc d’Aoste n’avait pas lu la constitution votée par les cortès, à laquelle il jura fidélité ; s’il l’eût étudiée avec quelque attention, il aurait bientôt acquis la certitude qu’elle le mettait dans l’impuissance de régner. La révolution de septembre avait prononcé en faveur du rétablissement de la monarchie et donné à l’Espagne une charte dont les articles semblaient la plupart empruntés à une constitution républicaine. La prévoyance du législateur avait laissé la porte ouverte à tous les repentirs, car l’article 110, qui autorisait les cortès à décréter de leur chef la réforme de la constitution, n’établissait aucune réserve en faveur de l’article 33, en vertu duquel la monarchie était reconnue comme la forme du gouvernement. De quoi se plaignaient les républicains ? On respectait leurs espérances, leur avènement n’était qu’une question de temps. Aussi bien l’Espagne pouvait prendre patience ; on lui avait donné un sénat électif comme