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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/506

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le congrès, et les Espagnols possédaient tous les droits qui sont garantis à un citoyen des États-Unis ou du canton de Genève, à savoir avec le suffrage universel l’absolue liberté de la presse, le droit absolu de réunion en lieu clos ou en plein air, le droit absolu d’association politique, sous cette seule réserve que les associations dangereuses pour la sûreté de l’état pouvaient être dissoutes par une loi. L’article 22 stipulait que les autorités ne pouvaient prendre aucune mesure préventive touchant l’exercice de ces droits. En vertu de la constitution monarchique promulguée à Madrid le 6 juin 1869, les ennemis de la monarchie étaient libres de l’attaquer dans leurs meetings et dans leurs clubs, aussi bien que de chansonner le roi dans ces libelles en vers qu’on appelle des aleluyas, et qui se vendaient librement dans les rues.

Les lois organiques avaient encore aggravé le cas. « Avec un système administratif, disait M. Canovas au mois de juin 1870, qui ne confère au ministre de l’intérieur d’autres facultés que celle d’expédier des télégrammes énergiques, avec des gouverneurs de province qui ne sont que les délégués d’une sorte de société anonyme et dont les fonctions se réduisent à appeler ou à ne pas appeler l’attention du gouvernement sur les abus qui se commettent, avec des maires, véritables dépositaires du pouvoir exécutif, uniques exécuteurs de la loi, seuls représentans du gouvernement dans la généralité des pueblos, et qui peuvent combattre non-seulement la politique des ministres, mais le roi lui-même et la royauté, avec un régime enfin qui permet à l’autorité d’être républicaine, carliste ou modérée selon les lieux où elle réside, quel rôle jouera la monarchie ? quel rôle jouera le monarque ? .. De par la constitution elle-même, le roi doit servir de balancier dans le jeu des partis politiques. Fixez votre attention sur l’état présent de ces partis, sur la force respective que leur ont donnée les événemens, sur la nature des moyens d’action dont ils disposent dans la crise révolutionnaire où nous sommes engagés ; croyez-vous en vérité que le prince qui viendra ici, dépourvu de toutes les conditions indispensables pour se faire respecter, aura le moyen d’exercer un pouvoir modérateur entre les factions rivales ? N’est-il pas évident qu’il ne sera que leur triste jouet ? »

Quelques mois avant que le duc d’Aosle acceptât la couronne, il s’était passé à Madrid et dans les provinces de curieux incidens. Le général Prim, qui attachait une médiocre importance aux théories et aux droits constitutionnels, parce qu’il estimait qu’il y a toujours moyen de se débarrasser des principes quand ils deviennent gênans, avait laissé le législateur proclamer à son aise toutes les libertés. Lorsqu’elles commencèrent à l’incommoder, il ne proposa point de