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se mettaient aux enchères ; les sénéchaux devaient les affermer le plus cher qu’ils pouvaient. Il s’ensuivait que le pauvre peuple était singulièrement molesté, et les prévôts avaient besoin d’être armés d’autorité pour faire payer les contribuables. Ils eurent en conséquence leur juridiction ; ils étaient investis du droit de poursuivre les récalcitrans et de les condamner à l’amende ou à des peines, plus sévères. Toutefois dans le midi de la France, où se conservaient les traditions de la jurisprudence romaine, où le sentiment du juste était plus vif, on n’avait pas voulu que le juge eût intérêt à punir : la juridiction était remise à des officiers spéciaux, à de véritables magistrats, les viguiers ; les bayles percevaient seulement le produit des amendes. En d’autres cantons, il y avait des juges (judices). De là les circonscriptions de la France méridionale appelées vigueries et jugeries.

Les prévôts ou les bayles, qui existaient aussi bien dans le domaine royal que dans celui des grands feudataires, tout en louant les terres du seigneur, qu’ils sous-louaient ensuite à des fermiers proprement dits, exerçaient dans leur circonscription la police par une conséquence naturelle de la juridiction dont ils étaient armés. Leurs fonctions prenaient ainsi un certain caractère militaire qui appartenait d’ailleurs alors à presque toutes les autorités, et ils avaient sous leurs ordres des sergens pour arrêter les prévenus. Je ne parle pas ici de certaines villes qui gardaient leur indépendance, s’administraient elles-mêmes tout en relevant de l’autorité du comte, et échappaient par là sous bien des rapports, à l’autorité des prévôts et des bayles, indépendance conservée en dépit des progrès de la féodalité ou achetée du seigneur, accordée même quelquefois par celui-ci en retour de certains services.

Les châteaux ou petites forteresses avaient aussi, leur territoire compris, des gouverneurs on châtelains qui s’en étaient constitués les propriétaires, et y exerçaient à ce titre une juridiction. Quoique cette juridiction ne fût pas dans le principe supérieure à celle des prévôts, les châtelains s’étaient, attribué dans plusieurs des villes ou bourgs que leur château commandait une plus grande autorité ; ils représentaient des vassaux plutôt que des mandataires de l’autorité du seigneur haut-justicier.

Tant que ces officiers restèrent sous les ordres et dans la dépendance complète du comte ou duc, celui-ci n’avait pas rencontré en eux des souverains au petit pied ; mais, quand leurs charges commencèrent à s’inféoder par suite d’abus pu de violences, il en résulta des obstacles et des embarras pour l’exercice de l’autorité suzeraine. La bonne administration et la bonne justice en souffrirent. Juger ou percevoir des redevances n’était plus pour les châtelains