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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/687

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l’économie politique, c’est donc un capital que l’on détruit en son germe. Le fait le plus général aujourd’hui, c’est que l’homme produit plus qu’il ne consomme. Cette condition n’est même pas absolument requise pour qu’au point de vue national les naissances soient un bien. L’émigration n’est pas un des moyens les moins efficaces pour une nation ou pour une race d’augmenter son action dans le monde : on peut le demander à l’Angleterre, qui a le capital en abondance, et à l’Allemagne, qui ne le possède pas suffisamment pour féconder son agriculture et son industrie. Où ne s’étendent pas la race anglo-saxonne et la race germanique ? Où ne rayonne pas l’influence de la mère-patrie, grâce à ces héroïques imprudences de procréation qui sèment les hommes sur toute la terre habitée ? Nos paysans, eux aussi, se défient. Ce n’est certes pas le goût du luxe qui les retient, mais ils ne veulent pas morceler l’héritage. La population s’arrête ainsi, suspendue dans son cours. Quant à nos classes moyennes, qu’elles y songent : leur stérilité relative est un dommage porté à elles-mêmes et à la France, — à elles-mêmes, car il ne suffit pas que des nouveau-venus s’y annexent pour ainsi dire, il faut que les générations s’y succèdent, se transmettant le dépôt des aptitudes héréditaires, des lumières, des capacités spéciales, — à la France, car la meilleure de ses richesses est dans cet état-major de ses professions, de son industrie, de son commerce, vraie tête de colonne de notre civilisation.

On se plaint aussi qu’il y ait accroissement dans le vice, dans le libertinage. Le lien de ce fait avec les tendances au luxe est ici encore facile à découvrir. C’est ce dernier qui est le grand tentateur, depuis ses plus petits degrés, la soie, le ruban, le bijou, jusqu’au riche ameublement, à la vie menée grand train, à la satisfaction des grossiers instincts, à la gourmandise, aux amusemens frivoles et corrompus, aux toilettes ruineuses, à l’abondance plantureuse dans la paresse sans bornes. C’est un luxe aussi que la courtisane pour celui qui en fait les frais, et il pèse lourdement sur le budget des familles et du pays. Assurément ce n’est pas là un fléau nouveau dans les sociétés humaines ; mais son accroissement depuis un certain nombre d’années ne fait pas doute, non plus que le rapport qui lie le vice qui coûte cher avec les nouveaux enrichissemens et le besoin de faire figure. L’espèce parasite s’est augmentée de bien des variétés. Les exigences se sont accrues avec le nombre, ce qui prouve que la demande soutient fortement l’offre et empêche la dépréciation. Les industries qui répondent au mauvais luxe, particulièrement encouragées par une classe qui ne cesse d’y faire appel, et les sommes énormes qui vont s’engloutir d’ans ce bourbier sont sans doute un mal incalculable ; il compte pour peu en