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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/691

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dans des leçons professées à la faculté des lettres de Nancy par M. A. de Margerie, et réunies sous ce titre : la Restauration de la France. Nous aimons à reconnaître, en laissant de côté quelques critiques secondaires, qu’un vif accent moral anime ces pages auxquelles ne manque même pas quelquefois la chaleur d’une conviction généreuse. La question du luxe y est abordée à sa place et avec plus de mesure. Si nous avions à indiquer ici des réserves, elles auraient un caractère plus général. Qu’il s’agisse de corriger l’abus de la fortune, nous croyons à l’efficacité de la religion, sans oublier pourtant que les siècles les plus croyans sont loin d’avoir été exempts de pareils excès ; mais il y aurait peut-être lieu d’observer que la morale professée dans une chaire de l’état pourrait garder plus constamment le caractère philosophique. N’y aurait-il pas place à remarques malignes en voyant le révérend père Félix, dans ses conférences de Notre-Dame, traiter de l’économie politique et du progrès, et l’honorable professeur de Nancy harceler l’incrédulité de ses pressantes objurgations ? N’oublions pas que Fénelon et Bossuet, deux évêques, ont écrit des traités entiers de métaphysique et de morale sans un seul appel direct à la révélation. Je n’insiste pas, je m’en reconnais à peine le droit, ne me sentant pas moins de respect pour la libre et complète expression des croyances que de désir de maintenir la distinction entre les deux chaires, celle de la prédication sacrée et celle de l’enseignement philosophique. Sous ces réserves, qui ne touchent d’ailleurs en rien à la question spéciale abordée par l’auteur dans quelques chapitres de son livre où il distingue avec raison la paresse, la mollesse, le luxe, la corruption, je trouve dans ses réflexions des choses justes, des vérités salutaires exprimées sans dureté.

La grande supériorité morale du passé sur le présent est la pensée commune de tous les censeurs de la société moderne. La question qu’ils tranchent plus qu’ils ne l’examinent est-elle donc absolument résolue dans le sens qu’ils indiquent ? Si l’on s’en tenait au luxe seul, un parallèle impartial ne manquerait pas, croyons-nous, de leur donner tort. La plupart de ces modes qu’ils ridiculisent, de ces abus dont ils se montrent si fort indignés, de ces prodigalités immorales et ruineuses qui leur semblent de scandaleuses nouveautés, ont reparu sans cesse dans le cours de notre histoire et ont eu à certains momens un développement dont nous sommes loin d’avoir l’équivalent aujourd’hui. S’agit-il de l’ensemble de ces corruptions qu’on enveloppe souvent sous le terme de luxe et dont plusieurs du moins s’en distinguent complètement ? C’est un problème bien autrement compliqué. Faut-il prendre parti entre les défenseurs absolus du progrès, qui croient que le présent, par cela seul qu’il succède au