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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/718

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étrangères, M. Visconti-Venosta, et on a eu même soin d’ajouter qu’une foule de secrétaires, d’employés diplomatiques étaient du cortège sans parler des généraux et des officiers. Le voyage était complet. A Vienne et à Berlin, le roi Victor-Emmanuel a été reçu, cela va sans dire, comme devait l’être le chef d’une des plus vieilles maisons royales de l’Europe le souverain d’une nation désormais puissante. On lui a offert le plaisir de la chasse, on lui a fait passer des revues, on l’a conduit à la colonne de la victoire, récemment inaugurée à Berlin, on lui a donné des banquets terminés par les inévitables toasts entre empereurs et rois, tous « frères et amis pour toujours. » Enfin on a eu la galanterie de lui donner un régiment d’infanterie en Autriche, un régiment de hussards en Prusse, ce qui fait que Victor-Emmanuel est deux fois colonel en Allemagne, et que l’armée autrichienne a maintenant un régiment du « roi d’Italie » Au milieu de toutes ces pompes, les affaires sérieuses n’ont point été négligées naturellement. M. de Bismarck, qui est arrivé un peu tard de Varzin, a eu des entrevues avec M. Minghetti, avec M. Visconti-Venosta, peut-être avec le roi, de même que le chancelier de l’empereur François-Joseph avait eu ses conférences avec les ministres italiens. La cordialité la plus entière semble avoir régné jusqu’au bout et l’empereur Guillaume, le prince impérial, ont accompagné Victor-Emmanuel au départ comme ils étaient allés le recevoir à son arrivée.

Pour ceux qui cherchent des ombres partout, il y a eu peut-être, il est vrai, quelques petites dissonances. L’impératrice Elisabeth s’est trouvée bien opportunément indisposée au moment des fêtes données au roi à Vienne, et M. de Bismarck, de son côté, s’est fait un peu attendre avant de quitter ses terres de Poméranie ; mais, qu’est-ce que cela ? Les Berlinois ont reçu le roi « galant homme » avec enthousiasme, les Italiens sont ravis ; que faut-il de plus ? Tout le monde est content. Qu’il y eût, à part les fêtes, les chasses et les banquets, une intention politique dans ce voyage, on s’en douterait presque avec un peu de bonne volonté. Le roi Victor-Emmanuel n’a pas pris probablement pour rien le chemin de fer d’Allemagne. Il est allé à Vienne sceller la réconciliation définitive de l’Italie et du nouvel empire autrichien ; il est allé à Berlin s’entretenir avec un « ancien allié, » comme il l’a dit. On a voulu montrer que de vieux différends et de vieilles injures avaient disparu, qu’il y avait désormais des intérêts communs, qu’entre l’Italie, l’Autriche et la Prusse on pouvait s’entendre au besoin. Et après ? que faut-il conclure de ces démonstrations d’apparat ? L’an dernier aussi, il y a eu une représentation de ce genre donnée à l’Europe par les empereurs de Berlin, de Vienne et de Saint-Pétersbourg. On s’en est ému d’abord, qu’en est-il donc résulté ? Cette année, c’est Victor-Emmanuel qui paraît en Allemagne, les commentaires ont recommencé, et aujourd’hui, comme il y a un an, ils dépassent de beaucoup sans nul doute la réalité des faits. Que les journaux allemands, intéressés à tout grossir, se plaisent à