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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/940

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laquelle la vie surabonde jusqu’au vertige, jusqu’à l’ivresse de tous les sens, présente des phénomènes religieux qui font songer aux galles de la grande déesse. Seulement, dans les pays septentrionaux comme la Cappadoce, les excitations extérieures, la musique, la danse, les convulsions de l’extase, doivent être encore plus intenses que sous un ciel brûlant. La venue de l’époux divin, le réveil de la nature, la résurrection du dieu, étaient fêtés par une véritable orgie en Asie-Mineure comme à Babylone, en Chypre comme dans toute la Syrie, en Phénicie, en Judée, dans le temple même de Jérusalem. Les bas-reliefs de la Ptérie, qui nous montrent des prêtres revêtus d’habits pontificaux, des eunuques coiffés d’une tiare basse comme à Ninive, couverts de magnifiques chasubles à longues manches, le lituus ou bâton augural à la main, présentent aussi, à Euïuk, une troupe de musiciens sacrés qui semblent monter au temple avec les béliers et les taureaux du sacrifice. Ils portent la tunique courte, serrée à la taille par une ceinture dont les bouts retombent ; les cheveux pendent sur les épaules ; ils ont des anneaux d’oreille. L’un d’eux a saisi le manche enrubanné d’une véritable mandoline, dont il pince les cordes ; un autre joue des cymbales ; un troisième souffle dans une de ces cornes ou de ces trompettes, qu’on entendit plus tard dans les rues de Rome, le jour du tubilustrium. Des bateleurs, amusant la foule de leurs tours de voltige, sont mêlés au cortège : sur leur crâne rasé se tord une longue mèche de cheveux qui retombe sur la nuque.

On n’en saurait douter, ce sont là les Sacées, qu’on devait célébrer chaque année, à Euïuk comme dans les autres villes de la Cappadoce. Quoi qu’on en ait dit, le bas-relief de Ptérium. ne rappelle rien de semblable, mais la grande fête de la déesse était certainement célébrée dans cette ville ainsi qu’à Comana. Si l’aspect farouche et guerrier de la grande déesse semble avoir dominé en Cappadoce, l’aspect souriant et voluptueux de cette sœur de l’Aschéra chananéenne n’était guère moins familier aux populations de l’Asie-Mineure. L’énergie terrible et belliqueuse de la déesse fondait comme la neige des montagnes aux chauds rayons d’avril. La divinité de Ptérium n’était plus une sorte d’Istar de Ninive ; c’était une Zarpanit Mulidit, la bonne Mylitta, dont Hérodote vit les prêtresses le front ceint de cordelettes, dans l’enclos sacré des temples de Babylone. En Judée et à Jérusalem, c’était la fête des tentes ou des tabernacles, les « Tentes des Filles, » les Soucoth Benoth. De même en Syrie, à Carthage, en Chypre, partout où pénétrèrent les religions d’origine chaldéo-assyrienne. Il est probable que les fêtes étaient plus grossières dans les rudes pays du nord que dans la vallée de l’Hermos. Dans les provinces septentrionales de