Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 107.djvu/941

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Asie-Mineure, les hommes et les femmes, au dire de Strabon, passaient le jour et la nuit à s’enivrer et à faire l’amour. On eût dit des Scythes. Que nous sommes loin du beau mythe d’Omphale et de Midas, roi de Lydie ! Chaque sanctuaire entretenait, comme le temple de Jérusalem, des foules de qedeschim et de qedeschoth, sortes de prêtres et de prêtresses voués tout entiers aux mystères des tentes ou des cellules du saint lieu. On peut imaginer ce qu’étaient ces fanatiques ivres de musique, de chants et de danses furibondes, en contemplant la précieuse coupe en bronze de style archaïque trouvée à Olympie. En outre c’était la coutume que toute fille ou toute femme fût initiée une fois au moins aux mystères des tentes. La flétrissure était une sorte de consécration pour les filles de la molle Lydie comme pour celles de l’Arménie et de la Cappadoce. Strabon le dit formellement de l’Acilisène, province de la Grande-Arménie ; Hérodote avait noté le même usage en Lydie, en Chypre, à Babylone.

Naturellement c’était au temps des panégyries, à l’époque des pèlerinages, aux sorties de la déesse, que l’affluence était le plus considérable dans les sanctuaires. On venait de toutes les parties de l’Asie au temple de Hiérapolis, en Syrie. Le hadj de La Mecque donne une assez juste idée de ce qu’étaient ces grands pèlerinages antiques. Des temples célèbres comme ceux d’Éphèse, de Pessinunte, de Zéla et de Comana, attiraient le peuple des villes et des campagnes. Tel devait être le sanctuaire de Ptérium. On s’y rendait en foule pour accomplir des vœux, offrir des sacrifices, célébrer les fêtes ! Les villes de pèlerinages sont toujours devenues des villes de plaisir. Comana du Pont était une petite Corinthe : des étrangers, des marchands, des militaires y étaient ruinés en quelques jours. Ces cités saintes étaient les bazars de l’Orient. Sur les routes de Babylone et de Ninive à Tarse et à Comana, on rencontrait de longues caravanes de chameaux chargés de vases, de tapis et d’étoffes précieuses, qui se rendaient aux grandes foires annuelles de l’Asie-Mineure. Pessinunte devint le marché commercial le plus important de la Galatie. occidentale. La foire de Zéla se tient aujourd’hui encore au commencement. de décembre, et l’on en peut conclure que le pèlerinage antique avait lieu à cette époque de l’année. C’est la panaghia, comme on dit, même en turc, dans toute l’Asie-Mineure.

Le gouvernement théocratique auquel étaient soumises toutes ces villes de lucre et de dévotion ne paraît pas avoir été plus dur que celui des rois. Au contraire, on vivait bien en somme à l’ombre du temple. Les fantaisies des eunuques coûtaient moins cher que celles-des satrapes. le grand-prêtre ou l’archigalle, souvent de race royale, venait immédiatement après le roi. A Tyr, le prêtre principal de Baal