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elle jouirait nécessairement d’une prime sur l’argent, qui est en ce moment un peu déprécié, elle disparaîtrait bien vite, serait refondue, et les ateliers monétaires de l’Allemagne se trouveraient faire le travail de Pénélope. L’état la retient jusqu’au jour où il croira en avoir en quantité suffisante pour répondre à tous les besoins ; alors il démonétisera l’argent tout d’un coup, et la réforme sera un fait accompli. Déjà dans la ville de Brême les comptes sont établis sur le marc d’or au lieu du thaler.

Ce qui se passe en Hollande est encore plus significatif. Ce pays, craignant l’effet que pourrait produire l’abondance des mines de l’Australie et de la Californie, avait en 1850 démonétisé son or et adopté l’étalon d’argent ; il a vécu plus de vingt ans avec ce régime, et ne s’en est pas toujours très bien trouvé. Aujourd’hui, frappé au contraire de l’abondance de l’argent et ne voulant pas servir de débouché à celui de ses voisins les Allemands, éclairé d’ailleurs par sa propre expérience, il revient à l’étalon d’or en prenant momentanément les deux.

Les États-Unis avaient, aussi le double étalon, sinon en fait, du moins en droit ; l’or seul circulait, parce qu’ils avaient eu la précaution en 1853 d’élever au profit de celui-ci le rapport de valeur entre les deux métaux précieux et d’adopter le rapport de 1 à 16 au lieu de 1 à 15. Ils viennent de faire un pas de plus en démonétisant absolument l’argent comme monnaie principale ; ce métal ne servira plus que de monnaie d’appoint, et on n’en pourra recevoir pour plus de 5 dollars dans les paiemens. L’union Scandinave a également adopté l’étalon d’or. Celui-ci désormais aura seul cours légal en Suède, en Norvège et en Danemark. Enfin l’Autriche est toute prête à faire la même chose ; elle l’était du moins il y a quelques années. Elle proposait de se rallier à notre système monétaire, à la condition que nous n’aurions plus que l’étalon d’or, et elle a déjà frappé une quantité de pièces de 4 et de 8 florins pour les mettre en rapport avec nos pièces de 10 et de 20 francs. La Belgique, qui est notre alliée monétaire depuis la convention de 1865, réclame aussi la monnaie d’or unique par la voix de ses chambres de commerce, et notamment de celle d’Anvers. Il n’est pas jusqu’à l’Espagne, la malheureuse Espagne, qui, si elle pouvait s’occuper de questions monétaires au milieu des épreuves qu’elle subit, ne fût disposée à opérer la même réforme ; elle le déclarait aussitôt après la révolution de septembre 1868. La question est donc posée presque partout en Europe, et partout elle est résolue dans le même sens.

Il y a quelques années, lorsque la solution ne pressait pas tant qu’aujourd’hui, on affectait de ranger les gens qui s’en occupaient en deux catégories : les théoriciens et les hommes pratiques. Les