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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/222

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l’idée parut lumineuse ; un peu de courage de la part des propriétaires semblait pouvoir tout sauver. Une comparaison malheureuse égarait certains esprits. Comme dans l’incendie on garde une partie de l’édifice en faisant la part du feu, comme à l’apparition du typhus parmi les animaux de la race bovine on préserve souvent la masse du troupeau en immolant les bêtes malades, on imaginait qu’il ne serait pas plus difficile de soustraire au fléau les vignes saines ; c’est une erreur. Ainsi qu’on a pu en juger par la description des champs infestés, le jour où l’on s’aperçoit à l’état du feuillage que des ceps sont attaqués par le phylloxère, depuis longtemps les insectes en grand nombre ont tiré la sève de la plante. La vigueur de la végétation ne paraît nullement altérée sur la vigne, si les racines n’ont encore été soumises qu’à une succion assez restreinte. Après avoir détruit toutes les souches que des indices trop certains ont signalées comme atteintes du phylloxère, le mal continuerait à s’étendre. Des ceps comptés parmi les plus beaux et néanmoins. déjà envahis à l’instant du sacrifice seraient les centres d’un nouveau rayonnement. En outre, des radicelles étant brisées par l’arrachage et retenues dans la terre, les insectes, habiles à cheminer, parviendraient sans doute bien vite à gagner les racines des ceps les plus voisins.

MM. Planchon et Lichtenstein conseillent d’anéantir les vignes malades au début d’une invasion, lorsque les foyers sont encore très restreints. Même très limitée, on doit croire que l’opération aurait peu de succès, tant il paraît impossible de ne pas laisser échapper nombre d’individus de l’espèce malfaisante. Dans les localités où le phylloxère des galles est plus ou moins répandu, un moyen de destruction de l’insecte s’offre à tous les esprits. En l’absence de lumières qui mettraient sur la voie d’un procédé plus simple ou plus efficace, l’utilité de la cueillette des feuilles charges d’excroissances est indiquée.

Jusqu’ici, une seule manière d’attaquer le phylloxère des racines a réussi ; elle est mise en pratique depuis plusieurs années par M. Louis Faucon sur le domaine du Mas de Fabre entre Saint-Remy et Graveson, dans le département des Bouches-du-Rhône. A l’automne de l’année dernière, au milieu d’immenses plaines désolées où l’on ne voyait que des vignes mortes ou languissantes, ce domaine présentait un contraste étrange, assurent tous les visiteurs ; la végétation était partout splendide. Le même phénomène s’est reproduit cette année. Un si beau résultat a été obtenu par l’inondation du sol pendant les mois d’hiver ; les phylloxères ont été noyés. En 1868 et en 1869, sur une étendue de 21 hectares, dit M. Faucon, les vignes étaient mourantes ; après une submersion prolongée elles avaient repris leur aspect primitif. En 1867, le