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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/227

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chenilles éclosent au bout de peu de jours et contre toute attenta, qu’elles commencent l’hivernage en pleine canicule, avant d’avoir pris aucune nourriture. Ces chenilles réfugiées dans les fissures des échalas et de l’écorce des ceps ne se réveillent qu’au printemps pour monter sur les jeunes sarmens. Ces deux observations devaient tout sauver. Comme les paquets d’œufs se voient sans peine, M. Audouin conseilla de faire la cueillette des feuilles qui les portent ; un propriétaire de Romanèche, M. Raclet, eut l’heureuse idée de pratiquer en hiver l’échaudage des ceps et des échalas, bien sûr d’atteindre ainsi toutes les chenilles sans exception. La vigne ne souffrait pas de l’opération ; le moyen de tuer l’insecte était le plus simple et le moins coûteux, on l’adopta. Depuis cette époque, nul propriétaire attentif ne laisse la pyrale se multiplier dans ses vignes, L’exemple est encourageant. Le phylloxère est certes incomparablement plus difficile à bien connaître que la pyrale, mais l’étude de cet insecte n’est pas au-dessus des forces de la science, et, l’étude achevée, un bonheur est au moins probable.

Cette année, les délégués de l’Académie ont repris de bonne heure la tâche commencée en 1872. M. Duclaux avait la mission d’apprécier la valeur des essais curatifs tentés sur divers points du midi de la France à l’aide d’agens chimiques ; il a constaté qu’aucun n’a réussi. Il devait s’appliquer à suivre la marche de l’invasion du phylloxère et à dresser une carte des pays envahis, où les étapes successives de l’insecte et l’extension actuelle du fléau seraient nettement représentées ; ce travail long et difficile a été exécuté. Avec M. Duclaux, des faits plus ou moins vaguement notés se précisent. La première apparition reconnue de la nouvelle maladie de la vigne date de l’année 1865 ; sans beaucoup fixer l’attention, elle fut observée alors sur le plateau de Pujaut, près de Roquemaure, dans le département du Gard. En 1866, elle s’étendait sur les pentes, et tout aussitôt dans plusieurs localités des départemens de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône on la signalait. Le premier, M. Delorme, d’Arles, s’aperçoit de l’altération des racines sans parvenir à discerner la cause du mal, et néanmoins il ne peut s’empêcher de concevoir de fâcheux pressentimens pour l’avenir. D’après les constatations du délégué de l’Académie des Sciences, l’affection apparaît souvent dans un pays au milieu de vignes d’un très bel aspect, et les nouveaux centres se montrent parfois à des distances considérables des points depuis longtemps atteints ; en présence de ce fait, on songe au phylloxère ailé, et l’on voudrait appeler sur lui une attention persévérante de la part des investigateurs. Le progrès de l’invasion est beaucoup plus rapide dans les plaines que dans les régions montagneuses. M. Duclaux apprend que le phylloxère est