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plus ou moins répandu sur une surface de 1,100,000 hectares ; Tout ce vaste territoire n’est pas couvert de vignes, et il reste des vignes saines ; mais tel est l’espace que l’insecte a parcouru en huit ans. Des chiffres seuls peuvent donner l’idée de l’importance des désastres : dans le département de Vaucluse, envahi en 1866, et particulièrement maltraité, il y avait en 1869, d’après les évaluations d’une commission instituée pour l’étude de la maladie, 6,000 hectares complètement ravagés ; en 1872, sur 30,000 hectares que possédait le département, 25,000 étaient détruits. Dans le Gard, l’arrondissement d’Uzès a perdu la moitié de sa récolte ordinaire, l’arrondissement de Nîmes un dixième.

Les circonstances qui facilitent ou retardent la marche du phylloxère ont été examinées avec un grand soin par le délégué de l’Académie. Les terrains argileux qui se fendillent aisément se prêtent surtout à la circulation de l’insecte ; les terrains calcaires ou sablonneux opposent des obstacles à son passage, soit pour cheminer d’une racine à l’autre, soit pour monter à la surface du sol. Les terres fortement tassées et couvrant bien les racines paraissent offrir une résistance presque absolue. C’est ainsi que, dans la vallée de la Durance et du Gardon, sur les parties sablonneuses seules la vigne a été préservée.

La carte des contrées du département de la Gironde envahies par le phylloxère a été dressée par M. Maxime Cornu ; elle complète la remarquable étude géographique et statistique de M. Duclaux. Jusqu’ici l’invasion est heureusement fort restreinte dans le Bordelais ; elle semble préoccuper modérément la plupart des propriétaires, mais les agronomes les plus clairvoyans s’inquiètent avec raison. Le mal, qu’on arrête aisément à son début, échappe plus tard à toutes les forces humaines. Avec M. Cornu, on apprendra de quelle façon se transforment et s’altèrent les tissus du végétal sous l’influence des piqûres du phylloxère. La formation des galles sur les feuilles et des nodosités sur les racines a été l’objet de recherches approfondies. La possibilité pour les mêmes phylloxères de vivre dans deux conditions fort différentes a été de nouveau reconnue ; des galles contenant des œufs et de jeunes individus ayant été placées sur les racines d’une vigne parfaitement saine, sous les yeux du délégué de l’Académie, les nodosités caractéristiques ont apparu au bout de dix jours. Afin de convaincre les incrédules que la plante la plus vigoureuse est attaquée par l’insecte, M. Cornu a mis en terre près d’une vigne malade un cep intact, d’une beauté irréprochable, et, après un court espace de temps, il a vu les radicelles de ce dernier atteintes par les phylloxères et chargées de nodosités. Le changement qui survient dans la vie de l’animal lorsque la végétation commence