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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 octobre 1873.

Voilà bientôt deux mois, quinze jours surtout, qu’on en est à se débattre dans le plus étrange imbroglio politique, cherchant un peu de lumière et ne pouvant se fier à rien. C’est un tumulte violent et puéril de nouvelles imaginées à plaisir, de lettres vraies ou apocryphes, de manifestations banales, de délibérations stériles, de bruits de toute sorte. Sait-on ce qu’est devenue la république ou ce que devient la monarchie ? La diplomatie de ce brave M. Chesnelong a-t-elle eu décidément du succès, et l’entrevue de Salzbourg a-t-elle été plus heureuse que les entrevues de Frohsdorf ? Les futurs grands-écuyers sont-ils occupés à préparer les équipages du roi ? Qu’a décidé la commission des neuf et comment sera rédigé l’acte constitutionnel de la prochaine restauration ? Que répond M. le maréchal de Mac-Mahon aux députations qui vont frapper à son cabinet ? Quel est le résultat du dernier dénombrement des députés présens ou absens ? A-t-on « pointé » les purs, les douteux, les demi-convertis ? Où sera enfin la majorité, et quelle sera cette majorité ? Graves questions que les nouvellistes agitent sans les résoudre, que la Bourse traduit en hausse ou en baisse sur les valeurs publiques, et qui restent l’énigme irritante ou le passe-temps peu sérieux de tout un monde affairé. Le prologue serait presque plaisant, si on ne sentait que le drame est au bout, s’il ne s’agissait d’un des actes les plus graves qui puissent être accomplis, d’une résolution d’où peut dépendre l’avenir de la France, et c’est parce que tout est grave aujourd’hui sous des dehors de comédie qu’il faut en finir. On n’a cessé de répéter à ce malheureux pays qu’il était dans le provisoire, que le provisoire le tuait, qu’il fallait arriver au définitif ; eh bien ! le moment est venu où le pays, qui croit ou ne croit pas ce qu’on lui dit, s’impatiente des ténèbres dans lesquelles on le fait vivre, et demande à son tour qu’on mette un terme à des incertitudes mortelles pour tous les intérêts, humiliantes pour la dignité nationale elle-même.