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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/235

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l’a compliquée de tout ce que l’inexpérience, la maladresse, peuvent accumuler de gaucheries, de légèretés et de combinaisons vaines. Ah ! si l’on avait réussi, il aurait fallu, qu’on eût mille raisons de réussir au lieu d’avoir mille bonnes raisons d’échouer, il y a en politique des choses qui doivent se faire simplement, avec une netteté qui ne laisse place à aucune équivoque dangereuse. Qu’une restauration de monarchie parût désirable à une partie de l’assemblée et fût considérée comme possible, c’était une question à examiner. Une fois la résolution prise et le programme de cette transformation arrêté, il ne restait qu’une conduite à tenir ; il n’y avait plus qu’à charger dès le premier moment deux ou trois hommes sérieux, autorisés, de se rendre auprès de M. le comte de Chambord pour lui exposer la situation, les droits, les intérêts, les instincts de la France, les conditions précises dans lesquelles on croyait pouvoir offrir au pays cette reconstitution de la monarchie. Tout cela, on pouvait le faire dès le premier jour avec une respectueuse fermeté, comme on suit une négociation de diplomatie dont on n’est pas libre de changer les stipulations. Si M. le comte de Chambord avait entendu ce langage, rien n’était plus simple ; on communiquait aussitôt la vérité au pays, les membres de l’assemblée eux-mêmes étaient fixés sur ce qui devait être soumis à leurs délibérations ; on savait à quoi s’en tenir. Si M. le comte de Chambord croyait devoir décliner les propositions qu’on lui aurait faites, à quoi bon le laisser dans l’illusion en prolongeant et entretenant l’incertitude publique ? C’eût été, il nous semble, parfaitement digne du prince et du pays. On se serait entendu ou l’on ne se serait pas entendu, on se serait toujours respecté mutuellement.

Ce n’est point là ce qu’on a fait. Des négociations, il y en a eu bien sûr de toute sorte, il y en a même peut-être encore, quoiqu’elles semblent désormais assez inutiles ; mais où a-t-on vu jamais des négociations conduites de telle façon qu’il n’y ait que des secrets mal gardés et des vérités mal connues ? M. Chesnelong, accompagné de M. Lucien Brun, est parti récemment pour Salzbourg. Cette fois la question a été serrée de plus près. M. Chesnelong a eu plusieurs audiences de M. le comte de Chambord, il y a eu des entretiens prolongés et approfondis sur toute la situation. L’envoyé des royalistes de Versailles paraît être un diplomate plein de naïveté et d’onction qui a rempli sa mission fidèlement, mais en homme qui aurait été désolé d’offenser le « roi » ou même de le presser un peu, et qui n’a vu surtout dans les paroles du prince que ce qui flattait ses espérances, ce qui pouvait faciliter l’épineuse négociation dont il se trouvait chargé. M. Chesnelong était revenu de Salzbourg, les mains pleines de libertés et de promesses. Un moment, en écoutant son mandataire, le centre droit croyait avoir touché le but. Sur le drapeau, un arrangement ne semblait plus impossible, et dans tous les cas le drapeau national était maintenu, sous la