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déplorer le lendemain son erreur, — tant il y a de contradiction dans les désirs des peuples, tant il est dans le cœur de l’homme d’aimer à braver le repentir.

Sans contredit, les hommes politiques qui se sont faits les champions de la république fédérative ne s’y sont pas décidés sans raisons. Il en est d’importantes, qu’ils font valoir avec éloquence ; en Espagne, l’erreur est éloquente comme la vérité. Leur premier argument est que les républiques les plus prospères, celles qui ont su le mieux concilier l’ordre et la liberté, les États-Unis comme la Suisse sont des confédérations, tandis que de fâcheux exemples ont paru prouver que les républiques unitaires sont sujettes à bien des hasards et à de funestes aventures. Ils alléguaient de plus que l’ancien régime, à qui l’unité religieuse suffisait, n’a point établi en Espagne l’unité civile et administrative, ni réduit la nation en un corps homogène comme la France repétrie par la révolution. Partant les provinces ont gardé leur caractère propre ; l’Aragon n’a pas le même code civil que la Castille ; les Catalans, les Andaloux et les Galiciens se ressemblent aussi peu que les Genevois, les Valaisans et les Bernois. Enfin ils se flattaient de trouver dans le régime fédératif un remède aux deux grandes maladies politiques dont souffre l’Espagne, l’empleomania et les pronunciamientos. Le gouvernement central, dépouillé d’une partie de ses attributions, aurait moins de places à donner ; il ne serait plus cette vache laitière que des milliers de mains, qui pourraient vaquer à des travaux plus utiles, s’occupent à traire chaque jour. Moins de gens seraient intéressés dans le jeu redoutable des révolutions, dont tant d’oisifs attendent aujourd’hui leur gagne-pain. On n’aurait pas à craindre non plus les entreprises d’un général à qui la complicité de quelques régimens et un combat heureux suffisent pour s’emparer de la capitale et pour dicter de Madrid des lois à tout le pays. Désormais plus de révolutions, plus de coups de main, plus de dictature « Avec le système de la centralisation, disait aux cortes M. Castelar le 11 mai 1870, un seul jour, le 24 février, décide du sort des rois ; une seule nuit, la nuit du 2 décembre, décide du sort des peuples. Dans un pays ainsi constitué, la liberté n’est pas un soleil, elle est un éclair qui foudroie et s’éteint ; le gouvernement n’est pas un régulateur pacifique de la vie sociale, il agit comme une force aveugle et brutale, il opprime et il écrase. En haut, la bureaucratie ; en bas, des conspirateurs. Une seule ville renferme la société tout entière ; un seul chef militaire résume en lui tout un parti. Un court espace, celui qui s’étend de cette enceinte au ministère de l’intérieur et de ce ministère au palais du sénat, est la moelle épinière de tout un peuple. Reconnaissez-vous là l’état