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quelques localités des maisons particulières prendre l’initiative de la fabrication de billets ; à Dieppe par exemple, la banque de MM. Osmond et Dufour fit circuler des coupures de 5 francs, qui sous leur seule garantie aidèrent puissamment aux transactions locales. De son côté, la Banque de France, dont les billets avaient cours forcé depuis le mois d’août 1870, avait à se préoccuper, non pas, comme en 1848, de procurer au commerce et à l’état du numéraire pour les petits paiemens, mais bien de créer du capital pour les dépenses générales. — Aussi fallut-il élever périodiquement le chiffre de rémission et le porter successivement à 2 milliards 800 millions en 1871, à 3 milliards 200 millions en 1872. En chiffres ronds, la circulation des billets de banque s’est accrue de 1 milliard 500 millions en trois ans, tandis que Rencaisse métallique, qui s’élève après les paiemens faits à l’Allemagne encore, à plus de 700 millions, a baissé dans le même temps de 500 millions (elle était au 23 juin 1870 de 1 milliard 318 millions et le 24 décembre de la même année de 505 millions, le chiffre le plus bas de cette période).

Ce doublement de la circulation des billets de banque a eu pour cause non pas seulement les besoins de l’état et les frais improductifs de la guerre, mais en plus aussi les besoins du commerce et les entreprises fructueuses de l’industrie. C’est ce qu’indiquent les rapports du gouverneur de la Banque après 1870, comparés avec ceux des années postérieures à 1848. Là où ceux-ci faisaient ressortir, à côté de la reconstitution de l’encaisse et de la diminution du nombre des billets émis, l’abaissement du portefeuille, la stagnation de l’escompte, ceux de 1871-72-73 accusent tous un accroissement d’opérations générales qui, à part les négociations avec le trésor, prouve, de même que le relevé des chiffres de l’importation et de l’exportation publié par le ministère du commerce, que l’activité productive du pays a pris un immense essor. Le rapport de 1871 constate que l’augmentation des opérations de la Banque en 1870 même est de 173 millions sur 1869 ; celui de 1872 accuse 2 milliards 93 millions de plus que dans l’exercice précédent ; enfin, du rapport fait en janvier dernier il résulte qu’en 1872, alors que la Banque n’a plus à pourvoir aux grands besoins de l’état et des communes, les opérations ont dépassé de 5 milliards celles de 1871. En même temps, la ville de Paris a remboursé ses avances à 8 millions près. Les effets impayés, sur 808 millions prorogés, ne présentent plus qu’un solde à éteindre de 5 millions, et dans cette même année l’escompte commercial s’élève à 8 milliards 100 millions, soit 4 milliards 50 millions de plus qu’en 1871.

Contrairement à ce qui s’était produit en 1848, le cours forcé a donc coïncidé dans ces dernières années avec un redoublement d’activité incomparable, et le crédit des billets en a profité. Un fait