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s’occupaient d’affaires, avec tous les étrangers qui fréquentaient le marché d’Athènes ; ils savaient mieux que personne libeller un contrat dans les formes et de manière à sauvegarder tous les droits ; enfin leurs bureaux étaient au centre du quartier marchand, sur l’agora même, où se rencontraient les capitalistes, les propriétaires de mines, les armateurs et les capitaines de navire, les négocians, tous ceux qui avaient de l’argent à placer, tous ceux qui désiraient en emprunter. On se promenait par groupes sous ces beaux platanes que Cimon avait jadis plantés, et qui devaient donner à cette partie de l’ancienne Athènes quelque chose de l’aspect que présentent aujourd’hui certaines villes turques ; à force de crier et de gesticuler, on finissait par tomber d’accord. Quoi de plus simple alors que d’entrer chez le banquier voisin et de réclamer le secours de son expérience pour mettre les choses en règle ? On lui demandait donc de dresser l’acte qui constaterait les clauses et conditions du marché conclu, du prêt consenti. S’agissait-il d’une convention très simple et qui pouvait tenir en quelques mots, on la griffonnait, dans une de ces écritures cursives et avec toutes ces abréviations et ligatures qui font souvent le désespoir des épigraphistes, sur un de ces ostraca ou tessons que l’Égypte nous a gardés en si grand nombre, et où se sont conservés tant de curieux monumens de l’administration, ptolémaïque, des ordonnances de paiement, des quittances d’impôt. Dans une collection d’Athènes, M. Albert Dumont a trouvé une pièce du même genre provenant de l’Attique : c’est un reçu tracé à la pointe sèche sur un fragment de pot cassé. Devait-il au contraire entrer dans le pacte en question toute une série de clauses assez complexes et dénonciations détaillées, on prenait deux feuilles de papyrus, et le banquier rédigeait l’acte en double exemplaire. C’était là proprement ce que l’on appelait la syngraphè ou contrat ; devant témoins, chacune des parties y apposait son cachet, et en recevait un texte. Dans un des discours de la collection démosthénienne, le plaidoyer contre Lacrite, nous avons un contrat à la grosse avec toutes ses stipulations.

Ce n’était pas le tout d’avoir entre les mains son contrat dûment libellé, il fallait s’arranger, pour ne point le perdre. Or il arrivait souvent que l’un des deux contractans, parfois que tous les deux, sitôt la convention conclue, partissent pour quelque lointain voyage. On avait tout intérêt à ne point exposer son titre aux chances de la navigation. Comment donc faire pour le mettre à l’abri de tout hasard ? Le confier à un ami ? Dans ce monde mêlé de citoyens et d’étrangers, parmi ces spéculateurs de toute provenance, il en était bien peu qui ne se sentissent à part eux très capables de chercher à s’approprier le bien d’autrui le jour où, comme le dit un orateur dans une affaire de ce genre, « la chose vaudrait la peine de sa