Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

recouvrerait ses créances et surveillerait l’emploi de ses fonds. Tout alla d’abord pour le mieux. Adressé par Sopæos à Pasion, un des premiers banquiers d’Athènes, le jeune homme trouva près de lui cet accueil empressé et obséquieux sur lequel peut compter partout un riche étranger porteur d’une forte lettre de crédit. On lui procura des amis et des plaisirs ; on reçut en dépôt tout l’argent qu’il tira de la vente des marchandises ; on promit de l’intéresser dans les plus belles affaires que ferait la banque. Notre fils de ministre trouvait qu’à Athènes les banquiers mêmes étaient de bien aimables gens.

Au bout de quelques semaines, il eut une désagréable surprise. Par un navire arrivant du Pont, on apprit qu’il y avait eu là-bas une révolution de palais : Sopæos avait déplu à son prince, il avait été jeté en prison ; ses biens étaient confisqués, et Satyros allait envoyer à Athènes des délégués chargés de rechercher et de saisir toutes les marchandises et toutes les sommes que son ancien ministre y possédait. Athènes avait pour son commerce un tel besoin du bon vouloir de ces princes du Bosphore que l’on ne risquerait pas de se brouiller avec lui pour une pareille bagatelle. Sopæos, puisqu’il avait perdu sa place, n’était plus à ménager.

Tout éperdu, le fils de Sopæos alla trouver son bon ami Pasion, et lui conta l’affaire. Le rusé personnage parut prendre une grande part à sa peine. Il s’agissait d’abord pour la banque de ne point se dessaisir de sommes qu’elle faisait valoir. Pasion conseilla donc au jeune homme de remettre sans difficulté aux représentans de Satyros les marchandises et le peu d’argent qu’il avait alors entre les mains ; quant au capital, beaucoup plus considérable, qui était déposé chez Pasion, il en dissimulerait l’existence, il dirait que ses dépenses avaient absorbé jusqu’à la dernière obole les fonds qui lui avaient été confiés ; il soutiendrait que, loin de posséder encore quelque chose, il était débiteur de Pasion et de plusieurs autres citoyens, qui, sur la réputation et le crédit de son père, lui avaient à plusieurs reprises fait des avances. Ainsi Pasion se porterait créancier de trois cents drachmes ; un autre ami produirait des réclamations analogues ; tous ces compères affecteraient la plus sérieuse inquiétude à propos de leurs créances. Grâce à cette comédie, les députés du Bosphore comprendraient que, là où il n’y a rien, le roi perd ses droits.

Le crédule étranger ; enchanté du conseil, sourit, au milieu de son trouble et de ses alarmes, à l’idée du bon tour qu’il allait jouer à Satyros ; il serra les mains de Pasion, il l’appela son sauveur. Tout en acceptant ces témoignages d’affection et de confiance, celui-ci, qui avait pris la mesure de son client, songeait déjà à rendre le tour encore meilleur, à hériter tout à la fois de