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incartade. Rien de plus évident que le droit et l’innocence de Phormion. Ce n’en eût pas moins été beaucoup de bruit et de scandale ; la mémoire de Pasion, la considération de Phormion et de sa femme, le crédit de la banque, auraient souffert de ces débats. Des amis s’entremirent, la mère et le beau-père firent les premiers pas. Apollodore devait commencer à sentir qu’il s’était bien aventuré. La plainte fut retirée, les relations furent reprises entre Apollodore et les nouveaux époux.

Peut-être fut-ce par quelque service pécuniaire, promis ou rendu, que Phormion obtint alors de se réconcilier avec cet incommode personnage. Apollodore voulait faire figure à Athènes, il n’avait ni une naissance illustre, ni de grands talens ; il prétendait donc attirer l’attention par l’activité qu’il déployait, par le faste qu’il affichait. Pour se faire connaître, il avait intenté des procès politiques à plusieurs orateurs et généraux. Chorégies, triérarchies, tout ce qui pouvait fixer sur lui les yeux, il le recherchait avec autant d’empressement que d’autres fuyaient ces corvées. La richesse de ses vêtemens, la suite de valets qu’il traînait derrière lui, les courtisanes qu’il entretenait à grands frais, tout lui servait à se faire remarquer ; il voulait qu’en le voyant passer sur l’agora étrangers et citoyens se montrassent le fils du célèbre banquier Pasion.

Avec de pareils goûts, Apollodore avait besoin d’argent, de beaucoup d’argent ; aussi le voyons-nous occupé, pendant plusieurs années après la mort de son père, à compulser ses papiers et les livres de la banque. A l’aide des mentions qu’il y trouve, il recouvre d’anciennes créances, il met en demeure les débiteurs de Pasion à mesure que les dettes deviennent exigibles, et, s’il y a lieu, il les poursuit devant les tribunaux. Par ces recherches et ces mises en demeure, Apollodore réussit à recouvrer environ 20 talens (112,000 francs), qui devaient se partager également, comme valeurs de la succession, entre Pasiclès et lui ; mais, si nous en croyons Démosthène, il s’en attribua plus de la moitié ; c’était comme une sorte de commission qu’il touchait sur les rentrées. Il y était d’autant plus intéressé que la fin du bail conclu jadis entre Pasion et Phormion vint diminuer ses revenus. En 362, le fils cadet de Pasion fut inscrit sur la liste des citoyens. On forma alors deux lots des entreprises, la banque et la fabrique de boucliers, qui étaient depuis dix ans exploitées par Phormion. Apollodore, à titre d’aîné, eut le choix ; il prit la fabrique de boucliers, et la banque échut à Pasiclès. Celle-ci fut affermée par quatre associés, Xénon, Euphrœos, Euphron et Callistrate, qui n’en donnèrent plus qu’un talent, 40 mines de moins que Phormion.

Tout réduit que fût le loyer, on pouvait craindre que les fermiers