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comptes et obtenu pleine décharge, soit à l’abri de toute poursuite, nous plaidons ta cause, et que toi, au contraire, quand tu ne veux point traiter Phormion comme ton égal, tu parles contre ton propre intérêt. Les droits que tu prétends posséder aujourd’hui sur Phormion, ces mêmes droits, les anciens maîtres de ton père les feront valoir aussi sur ta fortune. Que Pasion, lui aussi, a été esclave, et qu’il a été libéré de la même manière que Phormion, c’est ce que prouvent les témoignages que l’on va vous lire ; ils vous convaincront que Pasion a appartenu à Archestratos. »


La péroraison aussi mériterait d’être traduite ; Démosthène y résume avec netteté et rapidité tout à la fois les motifs qu’il a allégués pour faire repousser la demande d’Apollodore ; il énumère ensuite les services que son client a déjà rendus à la cité, il fait pressentir ceux qu’il peut lui rendre encore, si on le met une fois pour toutes à l’abri de ces injustes attaques ; il achève ainsi de le rendre intéressant. Puis, comme pour éviter de paraître chercher à exercer, par le tour et le ton de cette péroraison, une sorte de pression sur l’esprit des juges, il recourt à un artifice dont Isée lui avait donné l’exemple, il termine en faisant lire aux juges une loi et des témoignages.

Quelque impudent que fût Apollodore, il ne devait point être à son aise pendant que Démosthène l’écrasait ainsi de son mépris, le fustigeait d’une main vive et cruelle. L’impression produite fut profonde ; quand Apollodore se leva pour répondre, les juges, comme il nous l’apprend lui-même dans un autre plaidoyer, refusèrent de l’entendre ; il put à peine jeter quelques mots au milieu du bruit, et il n’obtint même pas qu’un cinquième des voix se prononçât en sa faveur. Dans ces conditions, non-seulement il perdait son procès et était condamné aux dépens, mais il avait encore à verser au trésor l’amende que l’on appelait l’épobélie, c’est-à-dire une obole par drachme ou le sixième de la somme indûment réclamée par lui. C’était payer cher l’exagération de sa demande : l’épobélie, dans le cas actuel, montait à 3 talens et 20 mines (près de 20,000 francs), et, sous peine d’être dépouillé du droit d’intenter d’autres actions et de paraître à la tribune, il fallait se mettre en règle, s’acquitter de cette dette publique dans un bref délai. Une fortune moins compromise que celle d’Apollodore aurait eu peine à réparer de pareilles brèches ; or deux ans après nous le voyons encore se faire condamner, pour une proposition contraire aux lois, à une amende de 1 talent, qu’il trouva moyen de payer. Nous ne le suivrons pas dans les efforts désespérés qu’il tenta pour se venger sinon de Phormion, qu’il n’osait plus attaquer directement, au moins de ceux qui avaient aidé Phormion à gagner