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diplôme, et non à la « maturité » dont il est le signe ? Il serait donc urgent que la limite d’âge maxima, pour certaines écoles spéciales, fût reculée au moins de deux ans[1].

Nous venons d’exposer les points sur lesquels nous pourrions utilement imiter quelque chose de l’Allemagne ; mais cette étude du baccalauréat nous suggère une dernière réflexion d’une portée plus générale. On sait combien il est souvent parlé dans notre pays de la toute-puissance de l’état ; pourtant, lorsqu’on regarde de près l’organisation de notre enseignement, on voit que cette toute-puissance est plus apparente que réelle, et qu’en d’autres pays, sans grand luxe d’administration et sans entretenir tout un personnel d’inspecteurs, l’état agit bien plus sûrement sur le fond des études. En France, l’état, hors des établissemens d’instruction publique qu’il possède et qu’il gère lui-même, n’exerce aucune action directe sur l’enseignement. Le seul privilège qui lui reste, c’est d’examiner les candidats qu’on lui présente après les avoir soustraits pendant dix ans à son contrôle, et en lui laissant ignorer jusqu’au lieu où ils ont fait leurs études. L’article 63 de la loi du 15 mars 1850 dit : « Aucun certificat d’études ne sera exigé des aspirans au diplôme de bachelier. Le candidat peut choisir la faculté ou le jury académique devant lequel il subira son examen. » Après les études elles-mêmes, ceux qui ont le plus souffert de ce régime, ce sont les candidats au baccalauréat. Amenés devant des juges qu’ils ne connaissent point et dont ils ne sont pas connus, ils doivent fournir en quelques heures et par des travaux uniformes la preuve de leur savoir. Cette organisation a tous les inconvéniens du hasard : elle inquiète les bons élèves et elle tente les mauvais. Quant aux juges, ils ne sont point placés dans une situation moins difficile. Si, en l’absence d’autres informations, ils font mine de vouloir interroger sérieusement les candidats qu’on leur présente, et de demander quelque preuve valable de mérité, aussitôt on se récrie sur les exigences des examinateurs, sur les difficultés du programme. Les plaintes continuelles et réciproques que nous entendons sont la conséquence d’un système qui a transporté l’examen hors des établissemens d’instruction où il avait sa place naturelle ; mais ce système lui-même est la suite inévitable de nos divisions. Il nous donne en raccourci une image de la situation de notre enseignement. Ceux qui se plaignent le plus amèrement du baccalauréat sont les mêmes qui ont le plus contribué à le faire tel qu’il est.


MICHEL BREAL.

  1. Déjà l’École polytechnique a pris une mesure en ce sens, mais d’une façon incomplète et à titre provisoire seulement.