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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/639

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à s’affaisser. La fumée et les flammes se faisaient jour par les fissures; mille précautions étaient nécessaires pour empêcher les munitions de faire explosion. A six heures du soir, la voûte était sur le point de s’écrouler; il n’était plus possible de prolonger la résistance, À ce moment aussi, les Arabes, craignant de perdre dans l’incendie l’or et l’argent qu’ils supposaient aux mains des derniers défenseurs de Palestro, envoyèrent un parlementaire pour traiter de la reddition. Le caïd des Ammals lui-même s’avança. « N’espérez pas de secours, dit-il; Fort-National, Dellys, Dra-el-Mezou, le Col, sont déjà pris et rasés. — Rendez-vous, criaient les autres chefs, rendez-vous; vous serez conduits à Dellys, d’où l’on vous embarquera pour la France. » Les colons ne cédèrent qu’après avoir reçu la parole de l’amin-el-oumena. Alors quelques indigènes montèrent sur la terrasse. On dépouilla les Européens de tout, même de leurs vêtemens; on prit leur argent, leurs bijoux, les bagues et les pendans d’oreilles des femmes, puis on les fit descendre par des échelles. La foule des Arabes poussait des cris de mort; mais les chefs cette fois entendaient être les seuls maîtres. Le caïd Hadj-Ahmed-ben-Dahman se faisait rendre compte des objets pris sur la terrasse; un de ses hommes en prenait note. Il se retira bientôt après, emmenant avec lui quelques femmes européennes; heureusement Si-Saïd-ben-Ali lui intima l’ordre d’avoir à les rendre sur-le-champ, et le caïd des Ammals obéit. Quarante prisonniers, survivant du désastre de Palestro, furent conduits d’abord chez l’amin Fertkat, et un peu plus tard chez Si-Saïd-ben-Ali.

Le lendemain 23 se tenait sur les ruines du village une grande réunion des chefs : les indigènes étaient alors fort nombreux; douze ou quinze tribus avaient en dernier lieu pris part à l’attaque. L’amin-el-oumena présidait l’assemblée. Il annonça qu’il venait de recevoir des lettres des chefs réunis devant l’Alma, l’engageant à se joindre à eux pour attaquer ce village. Cependant aucune résolution ne fut prise, car on apprit en même temps que des troupes françaises marchaient sur Palestro. C’était la petite colonne du colonel Fourchault, qui arriva le matin. Elle avait été envoyée trop tard, hélas ! et ne devait plus trouver que des ruinas et des cadavres.

Dès que le colonel Fourchault se fut assuré que les Arabes avaient disparu, il s’occupa de rendre aux colons morts les derniers devoirs; tous les cadavres furent réunis et enterrés dans une grande fosse commune, sur la place, près de l’église; ils étaient au nombre de cinquante et un. La nuit se passa sans événement, le plus grand calme semblait régner aux environs; mais de grands feux brillaient de toutes parts sur les montagnes voisines, et il était aisé de prévoir qu’on serait attaqué en quittant le pays. Le lendemain matin en effet, comme la petite colonne s’était mise en route par le même