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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/641

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déjà beaucoup moins d’ardeur. Vers quatre heures, la poursuite avait entièrement cessé, quelques coups de feu seulement se faisaient entendre encore à l’arrière-garde. On pouvait d’ailleurs distinguer sur les hauteurs du col que nous venions de quitter des groupes nombreux de Kabyles, occupés sans doute à délibérer; les turcos prétendaient gaîment qu’ils étaient en train de faire le rapport. A coup sûr, ils ne devaient pas sans douleur voir échapper de leurs mains une si belle proie qu’ils avaient crue trop facile. C’est alors que s’offrit au-devant de la colonne un détachement parti du Fondouck, sur un avis pressant du colonel Fourchault, et suivi d’un petit convoi de vivres : pain, café, eau-de-vie. Aucune rencontre ne pouvait être plus agréable à nos soldats. Depuis deux jours, cas braves gens ne faisaient que marcher et se battre presque sans nourriture. On arriva enfin au Fondouck à huit heures du soir, et les dispositions furent prises immédiatement pour y passer la nuit.

Le lendemain matin 26, dès 9 heures, la petite colonne se faisait reconnaître aux avant-postes du camp de l’Alma. Au même moment avait lieu une attaque des Kabyles, plus furieuse encore que celle du 22. Laissant à la garde du camp les troupes expéditionnaires fatiguées, le colonel Fourchault saute sur un nouveau cheval et se porte rapidement à la rencontre de l’ennemi avec des troupes fraîches, la cavalerie à droite et à gauche, l’artillerie au centre, l’infanterie en tirailleurs, avec soutien sur une longue ligne de plus de 6 kilomètres. Tous, officiers et soldats, entraînés par leur valeureux commandant, s’élancent en avant avec impétuosité; les Kabyles ne peuvent soutenir le choc, ils tournent le des précipitamment, et sont poursuivis l’épée dans les reins jusqu’au-delà de l’Oued-Corso. Ce brillant fait d’armes couronna dignement l’audacieuse reconnaissance tentée sur Palestro.

Pour en revenir à nos malheureux compatriotes échappés au massacre, ils avaient été emmenés chez Si-Saïd-ben-Ali. Renfermés dans des gourbis ouverts à tous les vents, couchés sur la terre dure, à peine vêtus, ils recevaient chaque jour pour toute nourriture une mauvaise galette noire et quelques fruits. En l’absence des chefs, partis avec leurs contingens pour combattre les Français, ils étaient exposés aux plus mauvais traitemens; les femmes kabyles surtout se montraient acharnées contre eux. Quelquefois, quand le canon d’une colonne se faisait entendre au loin, on les menaçait de mort; on leur disait que les Français étaient partout battus, qu’il ne nous restait plus qu’Alger. C’est dans des angoisses continuelles qu’ils vécurent ainsi vingt-deux jours.

Cependant la mort d’El-Mokrani, tué au commencement de mai, vint jeter le découragement dans les rangs des insurgés. D’ailleurs de nouvelles et nombreuses troupes arrivaient de France, et les co-