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lonnes Lallemand et Cérès faisaient chaque jour un pas en avant dans le pays soulevé. Cette dernière, descendue d’Aumale, était parvenue déjà au pied du Djebel des Beni-Khalfoun. Si-Saïd-ben-Ali, épouvanté, voulut racheter sa trahison et ses crimes en restituant ses prisonniers. Des pourparlers eurent lieu. Si-Saïd ben-Ali, accompagné de l’amin Fertkat et du capitaine Auger, se rendit auprès du général français, et là traita de la reddition des prisonniers en échange de l’aman, sans réserve des conditions de guerre qui seraient imposées par le gouverneur-général : 39 personnes sur 40, car une malheureuse femme était morte des suites de ses blessures, arrivèrent le 13 mai au camp du général Cérés, assis au coude de l’Isser, et reçurent de nos soldats l’accueil sympathique que méritaient leur courage et leur infortune.

L’épilogue de ce sanglant épisode de l’insurrection kabyle est l’arrêt prononcé en janvier 1873 par la cour d’Alger. Si-Saïd-ben-Ali et 7 autres indigènes des plus compromis ont été condamnés à mort, 23 à la déportation dans une enceinte fortifiée, 1 à sept ans de réclusion et 12 à cinq ans de détention.


III.

L’insurrection kabyle de 1871 est grosse d’enseignemens pour l’avenir; elle condamne plus d’un errement de notre ancienne politique algérienne. Renonçons bien vite au « développement de l’instruction musulmane, à la réorganisation des écoles supérieures musulmanes, à l’organisation de consistoires musulmans,» etc., etc., toutes mesures prônées autrefois par l’administration militaire. Que l’instruction soit distribuée aux Arabes, tout le monde le désire, — mais à une condition, c’est qu’elle soit un acheminement ey non un obstacle à la fusion des races; c’est que dans les écoles arabes on étende davantage le cercle des connaissances pratiques au lieu de n’apprendre aux élèves que le Coran et seulement le Coran, qui est notre premier et véritable ennemi; ce livre, qui réchauffe le zèle des croyans, ranime les haines éteintes et remplit la tête des enfans indigènes de maximes semblables à celles-ci :

« Que la malédiction de Dieu atteigne les infidèles, les juifs et les chrétiens! (Chap. de La Vache, verset 183.)

« Tuez-les partout où vous les trouverez, et chassez-les d’où ils vous ont chassés. (La Vache, verset 187.)

« Si vous ne marchez pas au combat. Dieu vous châtiera d’un châtiment terrible. » (Le Repentir, rerset 30.)

Plus de ces pèlerinages annuels au tombeau du prophète encouragés par l’administration française, parfois même entrepris aux frais de l’état, — pèlerinages d’où les indigènes reviennent, toujours