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pédition que commanda Louis II sur les côtes d’Afrique ne fut qu’un de ces passe-temps chevaleresques, comme la descente de Jean de Vienne en Écosse, comme l’expédition de Nicopolis ; encore est-il juste de dire qu’elle était moins insensée en principe que l’entreprise de Jean de Vienne, et qu’elle n’eut pas le lugubre résultat de l’équipée de Nicopolis. Il fut le véritable fondateur de la maison de Bourbon, si tant est qu’on puisse dire qu’une maison qui par son origine touchait de si près au trône ait eu un fondateur, et ce fut justement qu’il put prendre dès lors la devise espérance et la donner pour cri de guerre à son ordre de l’écu d’or. Par son mariage avec Anne, héritière du Forez, il devint maître de cette province ; puis, lorsque Edouard, comte de Beaujolais, eut payé de son riche fief le joli roman renouvelé de Sextus Tarquin qu’il essaya avec certaine demoiselle de La Bassée, Louis II hérita de ses terres, et se trouva par suite de ces énormes acquisitions aussi princièrement apanage que ses cousins de Bourgogne et de Berry. Louis II fut donc un prince heureux dans un temps où si peu le furent, et ce bonheur fut mérité. Il se recommande à l’estime de la postérité par deux faits infiniment honorables. Le premier, c’est que du commencement à la fin de sa carrière il fut sujet fidèle autant que serviteur vaillant. Lorsque Jean dut revenir en France, il fut un des otages qui allèrent le remplacer en Angleterre ; il n’en revint qu’après une captivité de sept années. Nommé par testament de Charles V tuteur du jeune Charles VI conjointement avec les ducs de Berry et de Bourgogne, on ne le voit tremper, ni pendant la minorité du roi, ni pendant la longue démence qui succéda presque immédiatement à cette minorité, dans aucun des complots factieux dont les oncles du roi se rendirent coupables, et qui semèrent les germes de ces factions de Bourgogne et d’Armagnac sous lesquelles la France faillit sombrer. Il ne chercha pas alors d’autre fortune que celle de la couronne, ce n’est pas un mince mérite à une époque où cette dernière fortune était mauvaise, et où chacun pouvait sans trop de témérité s’en promettre une meilleure. Le second titre de Louis II à l’estime, c’est qu’il fut aimé d’Edouard III, qu’il faut bien reconnaître, en dépit des cent ans de guerre qu’il déchaîna sur nous, pour un des hommes les plus nobles qui se soient jamais assis sur un trône. Cette amitié lui valut de vivre dans une captivité dorée et de revenir en France deux années avant les autres otages. L’histoire de cette dernière faveur est curieuse, et rendit à l’Angleterre d’alors un service dont l’université d’Oxford peut encore garder reconnaissance. L’évêché de Winchester vint à vaquer, et Edouard désirait le faire passer à son chapelain, Guillaume de Wykeham, un des hommes les plus lettrés de l’époque, et l’un des plus dignes promoteurs de la renaissance en Angleterre. Le saint-siège était encore