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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/660

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tant celles de l’automne, elle s’en va tôt. Heureuse a été cette Cendrillon des eaux thermales d’avoir dans le passé quelques marraines et quelques parrains puissans pour lui donner quelques jolies ceintures d’arbres et lui dessiner quelques fraîches toilettes d’un beau vert, qui lui permettent de surmonter sa jupe de vraie paysanne d’un coquet corsage de bergère de Watteau ! Telle est en effet l’originalité de Bourbon : c’est par moitié une paysanne très suffisamment crottée pour prendre place dans une bergerie réaliste à la moderne, et par moitié une villageoise avenante qui pourrait faire figure dans un opéra de Marmontel et de Grétry. Il fut un temps cependant où cette localité désertée retentissait du bruit des équipages, où elle voyait se succéder presque d’heure en heure les courriers galonnés, où elle servait d’écho aux nouvelles les plus fraîches de Paris et de la cour. Mme de Montespan la fréquenta pendant presque toute sa vie. Je lis dans les lettres de Mme de Sévigné qu’en 1676, une attaque de rhumatisme l’ayant obligée d’avoir recours aux eaux thermales, elle choisit Vichy de préférence à Bourbon, qui lui était recommandé, afin d’éviter le brouhaha mondain qui se menait autour de Mme de Montespan, alors dans le plein de sa faveur, et en 1707, c’est-à-dire vingt ans après la disgrâce, nous la trouvons encore à Bourbon, mais cette fois pour y mourir. Si Mme de Montespan fit grand mal à la monarchie, elle fit quelque bien à Bourbon ; c’est elle qui fit achever la jolie promenade commencée par le maréchal de La Meilleraye et qui subsiste encore. Plus de cent ans après, un autre personnage aussi secret d’esprit que Mme de Montespan était franche de mœurs, le prince de Talleyrand, plus fidèle à Bourbon qu’aux divers gouvernemens qu’il servit, traça le plan d’un charmant parc qui est aujourd’hui le principal agrément de la ville. Quant à ses bienfaiteurs et protecteurs des jours nouveaux, Bourbon les attend encore.

De son passé de petite capitale féodale, il ne reste à Bourbon que les débris du château des ducs. Ce château s’étendait sur le plateau ou, pour parler plus exactement, sur l’échine d’un monticule allongé assez semblable à un géant qui se ploierait pour jouer au saut de mouton. Bas à sa partie inférieure, il s’exhausse insensiblement jusqu’à sa tête, qui regarde le centre de la ville d’une façon peu rassurante. Quand on voit cette position, on n’est pas trop étonné des terreurs dont furent saisis les bourgeois de Bourbon, lorsque sur la fin du XVe siècle Pierre de Beaujeu fit construire la tour de l’horloge, car de cette éminence abrupte, escarpée, et qu’il était aisé de rendre inaccessible, la ville pouvait être foudroyée avec une rapidité singulière. Beaucoup de nos lecteurs connaissent sans doute le mot rauque de son et rébarbatif de physionomie par lequel Pierre de Beaujeu répondit aux représentations qui lui furent