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insistèrent sur l’exactitude avec laquelle les maîtres des requêtes devaient s’acquitter de leurs chevauchées. Au commencement du XVIIe siècle, on désigna ces maîtres des requêtes en mission par le titre d’intendant de justice, de police et de finances, parce que pouvoir leur était donné sur ces trois branches de l’administration. Ils furent autorisés par le roi à siéger dans les tribunaux comme représentans de sa personne royale ; mais c’était surtout en vue des impôts, dont le recouvrement était toujours difficile, qu’on les envoyait dans telle ou telle province. Armés d’un pouvoir plus étendu que les magistrats des juridictions inférieures, moins enclins que ceux-ci à prendre fait et cause pour les contribuables, passant par-dessus une foule d’obstacles, de formalités auxquels s’arrêtaient fréquemment les juridictions fiscales, ils étaient pour le monarque des agens plus actifs, des instrumens plus dociles ; ils prenaient connaissance par leurs propres yeux des ressources du pays, pressaient le paiement des tailles, faisaient dresser le rôle de l’arriéré, presque toujours considérable, prononçaient sur les réclamations que soulevaient ces impôts de la part des paroisses ou des individus.

Investis d’un pouvoir à peu près discrétionnaire, les intendans de justice, de police et de finances gagnèrent de plus en plus dans la confiance du monarque et de son conseil. D’ailleurs la position même qui leur était faite s’opposait chez eux aux moindres velléités d’indépendance. Ayant une commission, non une charge, ils étaient toujours sous la main du conseil du roi : ils en faisaient appliquer sur place les arrêts, ils en servaient les plans, ils s’enquéraient des moyens de les réaliser. La couronne ne pouvait trouver de meilleurs officiers pour contenir dans son obéissance des cours de justice prétendant s’affranchir de sa direction, pour tenir en échec le pouvoir des gouverneurs de province, devenu au XVIe siècle excessif, et qui tendait à ressusciter les grands feudataires. En effet, à la faveur des guerres de religion, les gouverneurs avaient presque totalement secoué le joug royal ; on les voyait lever en leur nom des troupes, percevoir des impôts, rendre la justice et s’arroger de véritables droits régaliens, par exemple celui de nommer les officiers. En Dauphiné, le parlement de Grenoble en était arrivé à rendre les arrêts au nom du gouverneur, et cette autorité exorbitante s’exerçait bien souvent au détriment de la population, qui trouvait dans son gouverneur un tyran bien plus qu’un protecteur. « Tel était l’état des choses, écrit M. J. Caillet dans son excellent livre sur l’administration de Richelieu, quand Henri IV monta sur le trône ; il acheta plutôt qu’il ne soumit ces feudataires d’un nouveau genre ; il opposa les uns aux autres, les changea plusieurs fois de gouvernement, et, pour en tempérer l’autorité, leur nomma des lieutenans-généraux.