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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/715

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présentant de la France à Rome serait notre ministre actuel à Washington, M. le marquis de Noailles, esprit libéral, éclairé, sympathique à toutes les causes généreuses, et fait pour bien servir la France en la faisant aimer, en donnant à notre diplomatie au-delà des Alpes le caractère de cordialité qui peut la rendre efficace.

Que devient cependant l’Espagne aujourd’hui ? Est-ce la dictature qui règne à Madrid ? La république représentée par le chef actuel du gouvernement, M. Castelar, a-t-elle l’air de se fonder ou fait-elle quelque progrès ? M. Castelar y met à coup sûr tout ce qu’il a de bonne volonté ; malheureusement ce qu’il a de pouvoir réel n’égale ni sa bonne volonté, ni son imagination, ni son talent d’orateur, et l’Espagne tourne dans le même cercle d’anarchie,’ayant à se débattre entre l’insurrection communiste, toujours maîtresse de Carthagène, et l’insurrection carliste, toujours maîtresse des provinces du nord. Ce qui se passe à Carthagène serait certes difficile à dire. Voilà des mois que cette ville populeuse et commerçante est au pouvoir d’un gouvernement révolutionnaire multiple, confus, où apparemment sous prétexte de liberté il y a un ancien marchand de nègres. On a envoyé des troupes pour réduire l’insurrection, on a fini par être obligé d’entreprendre un siège en règle par terre, en même temps que quelques navires bloquent le port du côté de la mer. Jusqu’ici tout a été inutile, et maintenant il faut en venir à un bombardement qui a déjà commencé. — Ce qui se passe dans les provinces du nord n’est guère plus favorable. On a expédié, il y a quelque temps, de Madrid un nouveau chef militaire, le général Moriones, qui allait sans plus tarder en finir avec les carlistes. Moriones est arrivé, il a mis d’abord une prudente lenteur à s’organiser, puis il a fini par livrer bataille, et il a remporté une grande victoire, au dire des bulletins officiels ; malheureusement le lendemain il était réduit à battre en retraite, il n’a plus recommencé depuis, et par le fait les carlistes restent maîtres de ces provinces du nord, sauf les villes, dont les plus importantes sont bloquées. Toute communication est à peu près coupée avec Pampelune, Tolosa, Saint-Sébastien. Le quartier-général du prétendant est à Estella, d’où l’on ne peut le déloger.

Comme si ce n’était pas assez cependant, voilà une complication de plus et non la moins grave, une complication extérieure. Un navire espagnol a eu le malheur de prendre aux Antilles, dans les eaux de la Jamaïque, un bâtiment, le Virginius, naviguant sous le pavillon américain et accusé d’aller porter du secours à l’insurrection cubaine. Le bâtiment, pris comme corsaire, a été conduit à Santiago de Cuba, où le gouvernement militaire, après ou sans jugement, a fait fusiller une cinquantaine de personnes, parmi lesquelles étaient le général américain Ryan, de New— York, un fils de Cespedes, le chef principal de l’insurrection cubaine. Un cri d’indignation s’est immédiatement élevé aux États-Unis,