Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/795

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelles il y a lieu ici de tenir compte, tout épisodiques qu’elles puissent paraître, parce qu’elles nous éclaireront sur une question pour nous principale, celle des sentimens et des principes qui guidaient Marie-Thérèse dans ses rapports avec ses filles.

L’archiduchesse Marie-Amélie, quatrième fille de l’impératrice, avait été mariée en 1769 à l’infant espagnol don Ferdinand, devenu depuis quatre années duc de Parme et de Plaisance sous la double protection du roi de France, son grand-père maternel, et du roi d’Espagne, son oncle. Marie-Amélie arrivait dans les duchés au moment où ils étaient profondément troublés. Le prédécesseur et le père de Ferdinand, don Philippe, avait appelé naguère à l’intendance de sa maison, puis à l’administration de son petit état, un Français nommé du Tillot, qu’il avait fait marquis de Félino. Celui-ci avait remis l’ordre dans les finances et dans le gouvernement au prix de certaines réformes, expulsion des jésuites, abolition de l’inquisition, réduction des biens de mainmorte, suppression de couvens, qui avaient indisposé la cour de Rome et soulevé mille ressentimens particuliers à l’intérieur. La venue de Marie-Amélie en de pareilles circonstances n’était pas faite pour rendre le gouvernement plus facile. Elle était âgée de vingt-trois ans quand son mari n’en avait que dix-huit; elle avait l’humeur impérieuse et altière quand le duc était seulement capricieux et craintif. Marie-Thérèse allait-elle essayer de profiter d’une si belle occasion de régenter et de faire dominer sa propre influence? Allait-elle combattre en la personne du marquis de Félino un de ces ministres réformateurs qu’inspirait l’esprit du XVIIIe siècle? Sa conduite envers Parme nous sera-t-elle un indice pour apprécier ensuite ses rapports avec la cour de Versailles?

Marie-Thérèse commença par remettre à sa fille, au moment de son départ, des instructions assurément très sensées[1]. « Ne faites en rien comparaison, disait-elle, entre ce qui se pratique ici (c’est-à-dire à Vienne) et ce que vous verrez à Parme. Vous êtes étrangère et sujette; c’est à vous d’apprendre et de vous conformer, d’autant plus que vous êtes plus âgée que votre époux et maître; ne donnez pas lieu au soupçon de le vouloir dominer... La cour de Parme est montée sur un pied très décent et convenable; je vous avertis de ne penser qu’à en suivre les coutumes, et de n’y rien changer avant d’être bien au fait si le changement vaut mieux et s’il convient à votre époux. Vous savez que nous sommes sujettes à nos maris, que nous leur devons obéissance. Tout le bonheur du mariage consiste dans la confiance et complaisance mutuelles. Le fol amour se

  1. Tous les documens invoqués ici sur l’affaire de Parme, sans faire partie des papiers de Mercy, sont tires des archives de Vienne et inédits.