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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/794

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la Du Barry et le duc d’Aiguillon, le duc de La Vauguyon et Mme de Marsan, et tout ce qui les approche, comme elle accueillera avec une prédilection quelquefois peu justifiée ceux qui se recommanderont auprès d’elle du nom et de la faveur de Choiseul, c’est-à-dire Besenval, Guines, Lauzun, Esterhazy.

Cette dauphine de quinze ans délaissée, épiée, trahie, aura du moins la protection de sa mère, qu’on va voir, plus assidue que jamais auprès d’elle malgré l’éloignement, entreprendre d’achever son éducation et prétendre à la sauver de mille dangers.

C’est une grande et intéressante figure que celle de Marie-Thérèse, l’impératrice-reine, et qui apparaît dans ses lettres à Mercy, entièrement inconnues jusqu’à ce jour, sous un aspect complexe. Il est très curieux d’observer en elle la mère, la chrétienne et la souveraine. Son œuvre politique, d’un accomplissement difficile, a été de créer avec des élémens divers et épars le faisceau désormais constitué de la monarchie autrichienne. Les deux autres traits de son caractère la montrent supérieure à Frédéric II et à Catherine II. Elle a eu un noble et profond sentiment des devoirs qu’impose la souveraineté dans un temps où d’autres monarques ne songeaient qu’aux droits exorbitans que le pouvoir suprême leur permettait d’usurper. Elle a de plus apporté à l’exécution de ces devoirs de grandes qualités personnelles, un esprit vraiment politique, de la suite et de l’énergie, un grand dévoûment au travail, un caractère sérieux qui semblait n’être plus de cette génération. On observe dans ses lettres confidentielles à Mercy une sincérité rare, soit lorsqu’elle s’ouvre à lui des chagrins qu’elle ressent de sa diversité de vues avec Joseph II, soit quand elle laisse voir quel combat se livre en elle, à propos du partage de la Pologne, entre sa conscience morale et sa crainte intéressée de laisser perdre l’occasion d’un agrandissement matériel. Il y avait chez elle de la bonté, par exemple envers ses serviteurs petits et grands. On peut en juger non-seulement par ses lettres à Mercy, mais par ses rapports presque depuis l’enfance avec le fidèle Sylva-Tarouca, par ses déférences pour Kaunitz, sa confiance dans Rosenberg, ses attentions pour ses secrétaires Pichler et Neny.

Il est toutefois difficile de distinguer dans Marie-Thérèse la mère et l’impératrice, à voir les conseils également mêlés de morale et de politique par elle prodigués à celles de ses filles qui obtiennent des situations de souveraines. A partir du jour de leur mariage, elle est singulièrement assidue à les suivre et à vouloir les diriger. Elle entretint avec Caroline de Naples, qu’elle aimait beaucoup, une correspondance très active, non retrouvée malheureusement. Elle aurait fait de même sans nul doute avec sa fille Marie-Amélie, duchesse de Parme, sans des circonstances tout exceptionnelles, des-