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nistre du caractère du duc de Choiseul ne saurait nous convenir, n’étant pas à douter que ni les affaires de Pologne, ni celles avec la Porte ne se seraient jamais passées tranquillement, si le duc de Choiseul s’était trouvé à la tête des affaires. Moins encore sa majesté approuve-t-elle l’esprit de vengeance que la reine marque contre le duc d’Aiguillon, et les démarches qu’on fait pour l’indisposer contre le ministère actuel. »

Ce ministère était ainsi composé vers le milieu de l’année 1775 : Maurepas était ministre d’état et chef du conseil depuis le commencement du nouveau règne, par l’influence de Mesdames et surtout de Mme Adélaïde, auxquelles il avait su, pendant sa précédente retraite, rendre d’utiles services; Vergennes était aux affaires étrangères après d’Aiguillon, Sartine à la marine; Turgot avait succédé à l’abbé Terray comme contrôleur-général; le comte de Saint-Germain venait d’entrer à la guerre, après le comte du Muy, au mois d’octobre, et Malesherbes succédait en juillet à La Vrillière comme ministre de la maison du roi. Ces diverses personnes étaient inégalement vulnérables au danger des intrigues et des factions. Maurepas, vieux courtisan, savait naviguer et tourner les écueils; Vergennes, ancien ambassadeur en Turquie, déclarait qu’il avait appris dans le sérail à braver les orages des cours; mais d’autres, comme Turgot et Malesherbes, non préparés à de telles luttes, qu’ils dédaignaient, allaient se trouver désarmés en présence de difficultés invisibles et insaisissables. La reine leur en suscita un trop grand nombre. Dans une seule dépêche, à la date du 16 août 1775, Mercy la montre voulant s’imposer à quatre de ces ministres à la fois. Maurepas lui-même se voit réduit à parler de sa démission quand elle veut absolument, sur les instances de Besenval, faire destiner au duc de Chartres le gouvernement du Languedoc, déjà donné par le roi au maréchal de Biron. M. de Malesherbes était arrivé à la maison du roi malgré l’intervention de la reine, qui eût souhaité cette place pour Sartine; aussi ne put-il obtenir d’elle, à sa première audience, qu’un très froid accueil. Vers la même époque, la reine s’employait pour procurer au chevalier de Montmorency la surintendance des courriers, postes et relais, vacante depuis la disgrâce de Choiseul; mais voilà que le sévère Turgot proposait, pour faire des épargnes, de supprimer cette charge et de la réunir au contrôle-général. « Le roi ayant accepté sur-le-champ cette proposition, la reine en fut tellement courroucée que, lorsque le contrôleur-général se présenta pour son audience, elle ne lui adressa pas une parole. » Mercy ajoute un trait caractéristique : «Mais celui-ci, dit-il, en conséquence de la simplicité de ses mœurs, s’en ressentit si peu qu’il déclara à ses amis avoir été bien content de la réception de la reine. » Comme Vergennes enfin refusait de se priver des services