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Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/83

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retardé l’expédition des affaires. » Joignez à ces rivalités intestines, qui ouvraient la porte aux passions les plus misérables, celles qui existaient de ville à ville, de clocher à clocher, et vous comprendrez combien peu l’administration locale offrait de garanties pour le bien. Le gouvernement ne devait donc pas leur être favorable, il se regardait d’ailleurs comme obligé de surveiller et de diriger au besoin toutes les communautés, les décisions de celles-ci important fréquemment aux intérêts généraux, l’état se trouvait dans une certaine mesure intéressé à l’emploi que les villes, que les bourgs, faisaient de leurs propres deniers. Ainsi en jugeait un des plus grands jurisconsultes du XVIIe siècle, Domat ; il écrivait, en parlant des octrois : « Quoique ces impositions de deniers nécessaires pour les dépenses des villes et autres lieux semblent ne pas regarder l’état, la permission du prince y est nécessaire, car, outre les abus qui seraient à craindre de la part de ceux qui feraient ces impositions, il est vrai d’ailleurs qu’elles regardent en effet l’état par deux considérations, l’une que le bon ordre de l’état est composé de celui des villes et des autres lieux, et l’autre qu’il importe à l’état que ces dépenses soient réglées de sorte qu’elles ne nuisent pas aux contributions que les habitans des villes et autres lieux doivent à l’état. »

L’un des premiers actes de l’administration de Colbert fut en conséquence d’attribuer aux intendans la tutelle administrative des communes. La déclaration du 22 juin 1659 avait réintégré celles-ci dans leurs biens aliénés ; les intendans furent chargés de procéder à la liquidation de leurs dettes. Le roi les constitua en quelque sorte curateurs de toutes les communes ; celles-ci ne purent s’imposer extraordinairement, aliéner, emprunter, plaider, ordonner des députations ou tenir des assemblées sans l’autorisation de l’intendant. Il fut même interdit aux créanciers des communes d’actionner celles-ci en justice sans permission par écrit de l’autorité administrative. La mise en tutelle d’agrégations de citoyens qui constituaient une personne morale conduisit tout naturellement à étendre cette même tutelle administrative aux établissemens de mainmorte, et non-seulement les biens du clergé, mais ceux encore des hôpitaux, des fondations charitables et même des maisons d’instruction publique, furent placés sous la tutelle des intendans. C’était là au reste une conséquence du régime auquel ces établissemens avaient été assujettis, puisque les règlemens leur interdisaient d’acquérir des immeubles sans l’autorisation royale. « L’intendant étant le représentant du roi, c’était lui qui devait décider dans ce genre d’affaires, tout au moins donnait-il son avis lorsqu’il fallait recourir au conseil d’état. Cependant les intendans ne parvinrent pas du premier coup à imposer aux villes et aux paroisses leur autorité souveraine, et il leur fallut briser bien des résistances. En diverses provinces, la