Page:Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 108.djvu/907

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas que nous fassions peur à l’enfant, Jack, disait-elle en manière d’excuse avec un retour de son ancienne coquetterie.

Jack éprouva du soulagement quand vers dix heures on l’avertit que le médecin le demandait en bas. Il n’y pouvait plus tenir. Dans le salon mal éclairé, ses yeux ne distinguèrent d’abord qu’une femme assise, un capuchon rabattu sur son visage, et il allait se retirer, croyant à quelque erreur, lorsqu’une voix dont il avait conservé le plus agréable souvenir dit brusquement : — Tout va bien! je suis le docteur. — Le capuchon fut rejeté en arrière, découvrant le brun et franc visage de Kate van Corlear.

— Point de questions, monsieur. Je suis le docteur, et voici mon ordonnance, dit-elle, indiquant du doigt Carrie tremblante dans un coin. Prenez-la.

— Alors Mme Tretherick a donné son consentement?

— Si je connais bien les sentimens de cette dame, nous avons mieux fait de nous en passer, répliqua Kate avec insouciance.

— Comment donc avez-vous pu vous échapper?

— Par la fenêtre.

Quand Prince eut conduit et laissé Carrie dans les bras de sa belle-mère, il revint vers Kate : — Elle reste. Vous resterez aussi ce soir, j’espère?

— Comme je n’aurai pas dix-huit ans et que je ne serai pas ma maîtresse le 20, comme je n’ai pas, moi, une belle-mère malade, je m’en vais.

— Alors vous me permettrez de vous faire remonter saine et sauve par la fenêtre? demanda Prince respectueusement.

Lorsqu’il rentra une heure après, Carrie était assise sur un tabouret aux pieds de Mme Starbottle; elle cachait sur les genoux de celle-ci son visage inondé de larmes. Mme Starbottle posa un doigt sur ses lèvres. — Je vous avais bien dit qu’elle viendrait ! Que Dieu vous bénisse, Jack ! bonne nuit.

Le lendemain matin. Mme Tretherick, suivie du révérend Crammer, principal de l’institut, et de son ami M. Robinson, se présenta indignée chez Jack Prince. La discussion fut orageuse; on réclamait impérieusement Carrie.

— Nous ne pouvons accepter cette intervention, dit Mme Tretherick. Quelques jours nous séparent encore de l’expiration du contrat, et nous ne sommes point disposés à faire grâce d’un seul à Mme Starbottle.

— Jusqu’à ce qu’elle soit sortie officiellement de notre maison, Mme Tretherick doit être soumise au règlement et à la discipline, poursuivit le docteur Crammer.

— Cette équipée est de nature à compromettre gravement son