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Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 1.djvu/197

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l’exonération, qui portait le service militaire à neuf années, et qui coupait cette durée du service en deux périodes, — cinq ans dans l’armée permanente, quatre ans dans la réserve, — cette loi ne manquait pas d’une certaine valeur. Elle était surtout sérieuse en ce sens qu’elle donnait deux contingens annuels de plus, et que les hommes, ne passant désormais dans la réserve qu’après cinq ans de service effectif sous le drapeau, étaient des soldats instruits, façonnés au métier des armes. De cette manière, on avait une armée active de plus de 700 000 hommes qui, toute défalcation faite de ce qui n’était pas disponible, pouvait offrir encore plus de 500 000 vrais soldats de campagne. Enfin une création nouvelle qui n’était qu’une application indirecte et très mitigée du service obligatoire, une garde nationale mobile composée de toute la jeunesse française qui échappait au recrutement, évaluée à plus de 400 000 hommes, constituait une force supplémentaire destinée à remplacer l’armée active à l’intérieur ou dans les places fortes au début d’une guerre. On avait dès lors, on le croyait et on le disait du moins, une masse de 1 200 000 hommes suffisant aux éventualités les plus extrêmes, couvrant de ses baïonnettes comme d’un inexpugnable rempart l’indépendance et l’honneur du pays !

Oui, c’était là l’apparence ; mais, pour que la réforme du 1er février 1868 devînt une réalité, il fallait du temps. Ce n’était pas avant cinq ou six ans et même plus que la réserve commencerait à prendre le caractère sérieux qu’on lui attribuait, en devenant par degrés un second ban de l’armée active composé des hommes ayant fait leur service régulier. Cette garde mobile qu’on créait, il fallait l’organiser, l’armer, l’équiper, l’instruire tout entière à commencer par les officiers, — et par une inconséquence étrange, en créant cette garde mobile, on lui refusait les plus simples moyens d’instruction. On limitait à une journée la durée des réunions et des exercices périodiques auxquels elle serait soumise. C’était une journée perdue d’avance à se rassembler, à se reconnaître, pour se séparer sans avoir rien fait. De plus cette réorganisation militaire qu’on inaugurait, il fallait la vivifier par une impulsion d’ensemble, la compléter de toute façon. Il fallait donner à notre infanterie une arme au tir rapide égale au fusil à aiguille prussien, refaire notre matériel appauvri ou arriéré, reconstituer nos approvisionnemens, épuisés par la guerre du Mexique, proportionner les moyens de défense de nos places aux transformations de l’artillerie. Tout cela supposait du temps, des efforts énergiques et beaucoup de suite.

Un homme qui, après avoir été un habile officier du génie, s’était montré un vigoureux chef de corps d’armée à Solferino et qui avait été appelé au ministère de la guerre peu après les événemens de