teutonique. L’auteur des Vorschlœge fait justice de cette nouvelle erreur. Je n’ai pas bien compris, il est vrai, la différence qu’il fait entre les émigrations grecques, romaines ou néo-latines et celles des peuples germaniques. Il a raison de dire que l’envoi d’une colonie grecque ou latine était une entreprise politique, dirigée par l’état, et qui avait pour objet d’accroître l’influence et la puissance de la métropole ; mais que signifie cette théorie que les anciennes émigrations allemandes, comme celles des Cimbres et des Teutons, sont l’acte « d’individus cherchant le développement de leurs forces et de leur individualité en se mettant au service de l’idée dominante d’une époque ? » Il eût été difficile que les Cimbres et les Teutons fussent envoyés au-delà des frontières par un état quelconque, puisqu’il n’y avait point d’état en Germanie, et l’on cherche en vain quelle idée dominante a pu les guider, si ce n’est bien celle de trouver de bonnes terres, comme ces barbares l’ont avoué à Marius, qui vint si mal à propos les arrêter dans le « développement de leur individualité. » L’auteur eût mieux fait de se borner à dire qu’il n’y a point de ressemblance entre ces migrations anciennes et l’émigration contemporaine : celle-ci est un fait moderne ; elle date du siècle dernier, et n’a pris que depuis vingt ans des proportions colossales. Le seul moyen de la combattre efficacement, c’est d’en chercher les vraies causes, au lieu de s’arrêter à ces niaiseries qui sentent à la fois l’orgueil et le pédantisme.
L’étude raisonnée des statistiques peut seule découvrir ces causes. Les premières qui donnent des renseignemens précis datent de 1832 : c’est l’année où Brême commence à tenir ses registres ; Hambourg imitera cet exemple quatre ans plus tard. Jusque-là d’ailleurs l’émigration n’avait pas eu d’importance. Il est vrai qu’en 1818 20 000 Allemands partirent pour les États-Unis, mais c’était un fait exceptionnel, une conséquence de la famine de 1817, et l’Union ne reçut, chacune des années suivantes, que quelques centaines d’émigrés d’Allemagne. À partir de 1832, on ne trouve plus de nombres aussi modestes. Pourtant l’émigration, qui devait dépasser en 1872 le chiffre de 200 000 hommes, n’enleva, de 1832 à 1839, qu’une moyenne annuelle de 12 000 personnes environ. Pourquoi en quarante ans une telle différence et ce progrès inoui du fléau ? On se tromperait beaucoup, si l’on en cherchait seulement la raison dans l’histoire intérieure de l’Allemagne. Voici d’abord une circonstance dont il faut tenir compte. La propagande la plus redoutable n’est point celle des agens spéciaux des compagnies d’émigration qui arrivent chez le paysan au temps où la vente de bestiaux lui a donné quelques centaines de thalers, et font briller à ses yeux toutes les séductions de la terre d’Amérique. Le paysan sait très bien que l’agent touche une prime par tête d’enrôlé : il est donc en défiance