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rent à la qualité de chef de famille ? Substituera-t-on à la candidature officielle de l’empire une sorte de tutelle légalement représentée par des comités de département, d’arrondissement, de commune ?

En un mot, on a fait, on continue même encore le cours le plus complet et le plus varié sur l’électorat, puis après le défilé de tous les systèmes, après bien des dissertations, des exposés qui nécessairement ne conduisaient à rien, le président de la commission, M. Batbie, a fait observer d’un ton flegmatique qu’il serait peut-être utile de connaître l’opinion du gouvernement. Il y avait pourtant une manière de procéder bien plus simple. Il y a un projet présenté l’an dernier par M. Dufaure ; on n’avait qu’à prendre ce projet, à l’examiner, à le corriger, à le compléter, pour faire une loi où il n’y aura jamais tout ce qu’on imagine, mais qui suffira pour régulariser le suffrage universel, pour le prémunir contre ses entraînemens. On n’est pas sans doute à l’assemblée pour faire des études, on y est pour faire des lois pratiques, applicables. C’est le rôle d’hommes politiques de connaître ces questions et de savoir les résoudre sans s’égarer dans toutes les subtilités, fût-ce dans les recherches les plus ingénieuses. On ne voit pas que c’est là le plus étrange abus du régime parlementaire, que c’est une manière de le compromettre en le montrant dans ce qu’il a de périlleux ou de stérile. Malheureusement, pendant qu’on est dans les nuages ou qu’on se livre aux luttes passionnées des partis, les affaires sérieuses pressent, frappent à la porte, et on n’a plus le temps de les traiter sérieusement. La situation financière, le budget, les impôts nouveaux, tout cela, il faut le discuter, le voter au pas de course, et hier encore M. le ministre des finances, M. Magne, était réduit à demander qu’on se hâtât, qu’on ne perdît pas une heure, parce qu’il fallait que le budget fût voté assez tôt pour être promulgué avant le 1er janvier. Puisqu’on songe à organiser tant de choses à Versailles, on devrait bien organiser le travail parlementaire de façon à le rendre sérieux et fructueux.

C’est bien assez des difficultés intérieures de toute sorte qui font à la France une vie laborieuse et que l’année expirante lègue à l’année qui commence ; c’est bien assez de tout ce qu’on ne peut pas éviter, sans y ajouter les malaises, les équivoques de politique extérieure. Il y a cependant des esprits étranges qui trouvent que la France a trop d’amis, trop d’alliés, qu’elle a des relations trop étendues, trop faciles, et qui éprouvent périodiquement le besoin d’agiter des fantômes, de relever des questions irritantes ou inutiles. Des mandemens épiscopaux tirant le canon contre l’Allemagne ou contre l’Italie, une interpellation de M. le général Du Temple au sujet de l’envoi d’un nouveau ministre auprès du roi Victor-Emmanuel, voilà qui est de l’à-propos et qui est de nature à servir les intérêts publics ! On ne peut pas se résigner à voir la France et l’Italie vivre tout simplement, amicalement, comme elles doivent vivre ; c’est bien le moins qu’on cherche de toute façon à em-