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tique de la France était de se recueillir. C’est au gouvernement de prendre ses mesures pour protéger ce recueillement contre toute atteinte en maintenant intactes nos relations les plus naturelles et les plus précieuses, en écartant sans hésiter les vaines complications que désavouerait la plus vulgaire prévoyance. Ici c’est d’autant plus facile que l’Italie ne cache pas le prix qu’elle attache à ses relations avec nous. M. Nigra, qui s’était absenté cet automne, vient de reprendre son poste en France ; il est revenu pour être, ce qu’il a toujours été, le représentant le mieux accrédité, le plus sympathique des désirs de bonne intelligence, des sentimens d’amitié de l’Italie. Si M. Nigra est ici, c’est qu’il n’y a rien de changé dans cette politique, et c’est le roi Victor-Emmanuel lui-même, dit-on, qui a voulu que son ministre fût à Paris pour le 1er janvier. Si M. Du Temple tient absolument à savoir pourquoi on envoie un ministre français auprès du roi Victor-Emmanuel, et même pourquoi c’eût été un acte d’habile courtoisie de s’arranger de façon que le marquis de Noailles fût, lui aussi, à Rome pour le 1er janvier, qu’on le dise nettement, franchement à M. Du Temple et à ceux qui pensent comme lui, qu’on ne les fasse pas attendre : c’est pour dissiper toutes ces équivoques avec lesquelles il faut en finir, parce qu’on en viendrait à prouver qu’on ne sait plus ni ce qu’on veut ni ce qu’on peut. Il en est des affaires étrangères comme des affaires intérieures. Ici on n’a pas pu édifier une monarchie, et on fait des façons pour organiser la république ; là on ne peut pas même admettre la pensée d’une rupture avec l’Italie, mais on semble toujours craindre d’avouer trop haut cette politique de franche cordialité et de paix qui est la seule possible, qui seule est dans le sentiment et dans les intérêts des deux pays.

Les traditions de l’alliance de l’Italie et de la France, elles sont écrites dans un livre attachant et substantiel publié pas plus tard que ces jours derniers par un Italien d’autant de probité que de talent, M. Massari, sur l’homme qui a créé cette alliance par son génie, Cavour. Sous ce simple titre, le Comte de Cavour, souvenirs biographiques, l’écrivain, le député italien a tracé plus qu’une biographie, il a fait revivre une époque et un caractère. Nul ne pouvait raconter cette histoire mieux que M. Massari, qui a été l’ami, le coopérateur actif et toujours modeste de Cavour, qui était auprès de lui aux heures les plus critiques et aux jours du succès, qui après tant d’épreuves enfin, fidèle en cela à la pensée de son guide, est resté hautement, sincèrement attaché à la France, comme tout ce parti libéral et modéré qui a fait la fortune de l’Italie nouvelle. M. Massari a montré à l’œuvre, dans l’action publique comme dans la vie la plus intime, le politique, le patriote, le libéral sachant égaler la vigueur de la volonté à la supériorité des conceptions, prévoyant de loin, ne s’étonnant de rien, familier dans la puissance, et disant avec bonne humeur, au moment où il vient d’accepter le grand