bateau qu’il faut s’y promener. Coupée d’autant de canaux que de rues, traversée par un fleuve et par plusieurs rivières, la cité du sud a une vie plus aquatique que terrestre. Osaka a été appelée la Venise de l’Orient. C’est en effet l’épithète réservée à toute ville qui possède plus de trois canaux, surtout si, comme celle-ci, elle communique avec la mer ; mais, Venise ou non, Osaka est la reine des cités japonaises, infiniment supérieure comme ville à Kioto, qui n’a que ses temples. Elle a 3 500 ponts en dos d’âne d’un effet très pittoresque, des rues propres, nettes, bien aérées, pavées de tuiles sur lesquelles on roule comme sur du marbre poli. On voit bien que c’était ici la résidence de prédilection du taïcoun, qui y avait le plus splendide de tous ses palais.
Notre yané-fune aborda au quai de la concession européenne. Quelle ne fut pas notre joie de trouver, à peine débarqués, MM. Lebon et Orcel, capitaines d’artillerie, attachés à la mission militaire à Yeddo et en tournée officielle ! On s’embrasse, on s’étreint, on nous plaisante sur nos faces noircies, sur nos mains plus noires encore, mais chacun est obligé de convenir que personne n’a maigri.
Le 23, nos quatre capitaines entraient en service, et allaient au siro pour étudier des questions militaires avec des officiers japonais. Nous les suivîmes et montâmes au donjon central, d’où l’on découvre toute la ville. Il y a quelques années à peine, ce siro renfermait un palais d’une grande beauté. Il fut brûlé en 1868 par les derniers défenseurs du taïcounat, qui, après s’être défendus jusqu’à la dernière extrémité, couronnèrent cette résistance par cet acte de vandalisme. Aujourd’hui il ne reste que quelques tours carrées et des murailles que ni l’incendie ni le canon ne pourraient entamer. J’ai mesuré une pierre qui avait douze fois la longueur de ma canne, 6 mètres de haut et épaisse en proportion ; le reste de cette construction cyclopéenne est à l’avenant.
Un pont à traverser, et du siro nous passons à la Monnaie. Vieux Japon au-delà, new Japon en-deçà ; tout est anglais à la Monnaie, sauf quelques systèmes perfectionnés empruntés à la France. Le directeur nous reçut avec beaucoup de grâce et nous donna en français les explications les plus précises. Cet établissement est largement conçu et exécuté : il est, on peut le dire, absolument complet. Depuis les briques pour les constructions jusqu’à l’acide sulfurique, tout se fait dans l’établissement même. Si les Japonais comptaient bien, ils verraient qu’un rio leur coûte cher avant d’être mis en circulation.
Le déjeuner réunit tout le monde, puis le service rappelant les militaires, M. de Ribérolles et moi prîmes congé de nos amis pour nous rendre à Kobé en bateau à vapeur et y prendre la malle amé-